dimanche 26 mai 2019

Interviews arcadiennes : Maxime Saint Michel

Photo © Marie-Clémence David

-Tout d'abord, bonjour, Maxime. Peux-tu te présenter brièvement pour les milliards de malheureux qui ne te connaissent pas encore ?

Moi, c’est Maxime Saint Michel, alias Emmessem. Je tiens un blog qui parle de ce que je fais et de mon avis sur la pop culture. J’écris des films, des séries et des bandes dessinées. Et je suis rédacteur en chef de Forgotten Generation !

-Maintenant, parle-nous de ton parcours. Qu'est-ce qui t'a mené à la BD ?

J’ai grandi entouré d’adaptations de bandes dessinées, des animes japonais aux films de super-héros, en passant par ces jeux sur PC qui étaient tellement complexes qu’on ne pouvait passer les niveaux que grâce à des codes. Ça a fini par me donner envie d’en lire.

Je n’achetais pas les figurines qui en étaient dérivées pour les collectionner, mais dans le but de jouer avec, de raconter mes propres histoires, en me servant des personnages qu’elles représentaient.

Au CM2, j’ai rédigé mon premier écrit d’invention : un crossover entre Crash et Spyro. Après avoir enchaîné les fanfictions – notamment sur Naruto – inachevées, j’ai fini par créer mes propres héros. Et raconter leurs aventures sous forme de BD m’a semblé naturel.

Ma formation de scénariste n’a fait que renforcer mon envie d’écrire !

-Quelles sont tes passions, ainsi que tes goûts en matière de BD, films, musique, séries ?

Si je suis surtout un lecteur de bandes dessinées franco-belges, de comics et de manga, je m’intéresse à un maximum de médias. J’aime les héros profondément humains, qui se retrouvent forcés de grandir, parce qu’ils sont plongés dans une aventure qui les dépasse. Certains diraient que j’ai des goûts mainstream, mais je l’assume complètement :

Les mangas qui me passionnent le plus sont des shonen nekketsu. Yu-Gi-Oh! a défini mon enfance. Naruto a profondément marqué mon adolescence. Et l’univers de My Hero Academia fait vibrer, en moi, beaucoup de cordes sensibles.



Côté comics, je lis surtout ce que publient DC et Marvel, avec une affection particulière pour les œuvres de Brian Michael Bendis et Geoff Johns. Ce sont des scénaristes qui transcendent le mythe du super-héros à travers des intrigues épiques, sans jamais perdre de vue les problématiques humaines.



Kid Paddle est le premier héros de bande dessinée franco-belge auquel je me suis véritablement identifié. Ses aventures me faisaient beaucoup rire. Depuis j’ai découvert le travail de Davy Mourier, qui mélange parfaitement la comédie et la tragédie, notamment dans La Petite Mort.



Forcément, je m’intéresse aux adaptations de comics, particulièrement aux séries du Arrowverse à la télévision. Mais ce sont les œuvres britanniques, comme Doctor Who, Being Human ou Sherlock, qui me touchent le plus. J’ai beaucoup d’affection pour certains scénaristes français ; notamment les frères Astier et François Descraques.



La patte de Joss Whedon a influencé mon amour pour le Marvel Cinematic Universe, dont je continue d’aller voir chaque film. Mais j’ai grandi avec les classiques d’animation Disney – comme Aladdin ou Hercule – et la saga Star Wars. Astérix : Mission Cléopâtre est ma comédie française préférée, même si j’adore Louis de Funès. Et je suis de près le travail de Philippe Lacheau.



Musicalement, j’aime autant le métal industriel de Rammstein que le punk rigolo des Fatals Picards. Mais j’ai surtout un amour inconditionnel pour les textes incroyables de Jacques Brel.

Enfin, bien que joueur occasionnel, j’apprécie les mascottes de la PlayStation, comme Jak, Ratchet ou Sly Cooper. Mass Effect est la dernière saga vidéo-ludique à m’avoir profondément marqué.



-Ont-elles une influence sur tes BD ?

Ce serait compliqué de répondre non. D’abord, parce que c’est mes lectures et mes visionnages qui m’ont donné envie d’écrire. Mais aussi et surtout, car je pense qu’inconsciemment, on s’inspire toujours de ce qu’on aime. Je parlais des auteurs qui abordent des thématiques qui me touchent : je traite des choses similaires dans mes œuvres. Il en va de même pour le ton et les univers que j’aime explorer. Et il m’arrive lorsque j’écris, que le procédé scénaristique que j’utilise me rappelle quelque chose. A mon sens, c’est un phénomène naturel. Tout ce qui compte, c’est de savoir digérer ses références et les utiliser à bon escient. Il faut éviter de les vomir bêtement.

-Quelle a été ta première BD ?

J’ai commencé à essayer de faire de la bande dessinée au collège, en même temps que je me suis lancé dans la création de blogs. Mon premier essai était un manga grandement inspiré de Naruto : il mettait en scène Ryumaru, un samouraï capable de maîtriser la foudre, issu d’un village vénérant un dragon. J’ai fini par perdre ce que j’avais écrit suite à un problème informatique et j’ai mis le projet en pause, sans jamais le reprendre. J’y repense parfois et, même si ça a beaucoup nourri que j’allais créer ensuite, j’aimerais en faire quelque chose, un jour.



-Pourquoi avoir créé Drak Béryl ? D'où t'est venue cette idée ?

Drak Béryl est né de l’envie de créer un univers super-héroïque, inspiré de Marvel. Cette dernière information est très importante, puisqu’à l’époque il s’appelait Dragonman et son costume, aussi bien que ses origines, le rapprochaient d’un certain Peter Parker. C’était déjà un eurasien capable de cracher du feu. Le projet m’a beaucoup plu et a suscité l’intérêt de quelques personnes sur Internet. Ça m’a donné envie de le creuser et de me différencier de mon modèle américain. D’abord, je voulais rendre hommage aux cultures européennes et asiatiques à travers les super-héros que j’allais créer. De façon plus inconsciente, il y a quelque chose que je voulais dire avec cette BD, mais que je n’ai réussi que tardivement à formuler : je veux montrer que la différence, sous réserve qu’on l’accepte, peut devenir une force.


-T’inspires-tu de personnes que tu connais ?

Là aussi, je pense que c’est un procédé naturel. La personnalité de mes héros est souvent inspirée de la mienne, avec un trait de caractère poussé à l’extrême ou une vision des choses qui me correspond ; ce qui est assez logique, puisqu’ils véhiculent mon message. Mais ce n’est pas toujours évident de faire la part des choses entre le protagoniste et l’auteur. Pour les personnages secondaires, en revanche, quand j’ai commencé à écrire, je ne m’inspirai quasiment que d’amis, au point de donner leurs prénoms à l’entourage de Drak Béryl. Aujourd’hui, c’est l’inverse : en construisant mes personnages, je remarque des similitudes avec des connaissances et j’essaye, selon les cas, de m’en détacher ou de m’en rapprocher. J’aime aussi créer des archétypes en pensant à des mythes ou des figures historiques réelles.

-Attention, grande question : si on te proposait de reprendre une série actuelle en BD (qu'importe l'origine), laquelle choisirais-tu ?

Kid Paddle. Sans aucune hésitation. Plus jeune, j’avais une idée que je voulais vendre – eh ouais, j’aimais déjà l’argent – à Midam, pour un one-shot ou une série plus feuilletonesque. J’espère que je ne suis pas en train de pitcher quelque chose qui est sorti entre temps ou pire : le scénario du film que prépare Kev Adams. En tout cas, ça vient entièrement de moi, à la base. Kid participe à une compétition qui prend la forme d’un jeu de rôle en ligne dans lequel il choisit d’incarner le Petit Barbare. Sauf que sa rivale, Max, prend aussi part au tournoi. Et dans un premier temps, ils vont lutter ensemble contre les autres joueurs. Le but, ce serait vraiment de rendre hommage à la BD et à la série animée, en ramenant des personnages apparus le temps d’une planche ou d’un épisode. Et de montrer le jeu de rôle en parallèle des relations entre les joueurs.



-Même question, mais avec une série disparue.

L’inconvénient – ou l’avantage – de s’intéresser au mainstream, c’est que les séries ne disparaissent jamais vraiment. Il y a toujours un scénariste pour prendre la relève, quelqu’un pour relancer la licence, d’une façon ou d’une autre. Mais certaines manquent à l’appel. X-Factor, par exemple. Ce serait un honneur de suivre les traces de Peter David en reprenant cette série, avec le VRAI Jamie Madrox sur le devant de la scène. Qu’est-ce qu’il a fait pendant toutes ces années avec Layla Miller ? Que pense-t-il du multivers Marvel ? Et il est où Guido ?!? Quel serait ton crossover rêvé, aussi improbable soit-il ? J’adorerai lire un crossover entre les héros de l’univers Marvel et ceux du Weekly Shonen Jump. D’accord, My Hero Academia est peut-être déjà l’Amalgam entre ces deux entités, mais imaginons que Deku et ses copains puissent rencontrer les Avengers, que Naruto fasse un concours de blagues avec Spider-Man ou que les Chevaliers d’Athéna affrontent les X-Men. Ce serait pas génial ? Je crois bien que si.



-Y a-t-il des choses qui t'agacent dans la BD en général ?

Je ne sais pas si je réponds vraiment à la question, mais je suis énervé par le manque de considération de la bande dessinée de façon générale. Quand j’étais en troisième, une discussion avec une professeure de français a fini par mener à cette réponse de sa part : « Les BD ne sont pas des vrais livres. ». Je raconte souvent cette anecdote, parce que c’est ce qui m’a convaincu, à l’époque, de ne pas mener d’études littéraires. Depuis, les choses ont un peu évolué, mais dans la tête de beaucoup de personnes, lire des bandes dessinées revient à ne pas lire du tout. Tant qu’on est dans les sujets qui fâchent, je remercie fondamentalement l’industrie cinématographique d’avoir sauvé les comics, mais en 2019, le milieu de la BD et l’audiovisuel entretiennent des relations étranges. Parce que quelques adaptions ont plutôt bien fonctionné, les studios de tout horizon vont racler les fonds de tiroirs, dans l’espoir de reproduire le succès du Marvel Cinematic Universe. Au moment où je réponds à cette question, Paramount vient d’acquérir les droits d’Atlas Comics. Personne ne sait ce que c’est. Tout le monde s’en fout. Entre ça, les entreprises américaines ou japonaises qui essayent de porter des mangas sur grand écran, sans y mettre la passion nécessaire et notre Gaston Lagaffe… Ça fait peur.

 -As-tu d'autres projets, même fantaisistes, que tu aimerais mener à bien ?

J’ai beaucoup de projets dans ma besace numérique, pour différents supports et j’aimerai les voir se concrétiser, mais je préfère ne pas trop en parler publiquement. Adapter Drak Béryl en film ou en série serait vraiment chouette, si un producteur me lit. Sinon, à part écrire pour Marvel, je pense que ce n’est pas dans la bande dessinée que se trouvent mes ambitions les plus fantaisistes. Par exemple, j’adorerai écrire un long-métrage d’animation Disney ou un truc dans l’univers de Doctor Who. Plus surprenant, peut-être, ça me brancherait bien d’écrire des storylines de catch. Les raisons données aux combats, les speeches que doivent balancer les athlètes, qui entrent presque en ligne de compte pour obtenir la victoire… Je trouve ça vraiment passionnant.



-Je te laisse maintenant le mot de la fin, et te dis merci et bonsoir.

J’aime beaucoup le café.

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