lundi 23 décembre 2013

Prose : Tales of Lord Corlatius - Le Fort des Liktalzzz

TALES OF LORD CORLATIUS

Le Fort des Liktalzzz

par Maxime Saint Michel

Une. Deux. Trois. Quatre. Cinq. Six. Sept…Quatorze. Les gouttes de condensation tombaient du plafond en rythme, venant s’écraser sur mon chapeau melon, perturbant ma réflexion sur le milieu qui m’entourait. Si tant est bien sûr qu’il y eut un milieu à étudier. Je faisais face, littéralement, à la stupidité de deux soi-disant soldats qui réfléchissaient à un moyen de sortir de cette prison tout en causant un maximum de dégâts. Vraisemblablement ils n’avaient pas compris que c’était le point de départ d’un plan qui les dépassait – et j’étais forcé de constater que même loin de chez moi, à plus d’un univers, je devais assister impuissant au déroulement de la Comédie Humaine. 

« Qu’est-ce qu’on fait, Aleks ? demanda le premier. 
- Je ne sais pas, Oliver. La solution la plus simple et rapide serait de faire imploser cette dimension. fit froidement le second. »

Je serais incapable de décrire physiquement ces deux personnages, même si la lueur dans les yeux bleus de cet Oliver dès que son collègue lui parlait m’avait marqué, tant elle montrait lequel des deux hommes avait le pouvoir sur l’autre. Cela étant, je me souviens avec une précision déconcertante du sentiment que j’ai eu à l’égard d’Aleks, qui me revient au moment où j’écris ces lignes, et des mots qui montèrent jusqu’à ma bouche sans en sortir, interrompus par la pression d’une main sur la mienne, me faisant machinalement sourire et me tourner vers Elle.

« Calmez-vous, Docteur. m’avait-elle lâché. »

Azéline. Je ne dirais pas que cette Femme m’avait rendu meilleur ou pire que ce que je n’étais. L’Homme n’est jamais objectif sur sa propre évolution. Mais une chose était sûre, elle m’avait changé. Je n’étais plus le même depuis la Révolution de Paris. Ca faisait six mois que je voyageais avec Elle. Entre temps, il y avait eu la Guerre de Berlin, une visite de l’Empire Autrichien, et tant d’autres choses…Nous nous apprêtions à prendre le train à vapeur pour Rome, quand devant nous est apparue cette étrange lueur bleue. J’ai tout de suite su en la voyant ce qui allait en sortir, et les conséquences que j’allais devoir affronter. Avant même qu’il n’en sorte je savais que cet homme, qui se tenait maintenant au milieu de la pièce, ajustant sa cravate, vérifiant que son Stetson était bien en place, était venu me chercher.

Ses paroles résonnent encore dans ma tête, comme elles résonnaient entre les quatre murs de cette prison : 

« On m’avait dit que vous étiez moins discret, Hine. J’espère que ce n’est pas parce que votre petite amie est venue avec vous, sinon la prochaine fois je vous emmènerais sans elle, on fera une tournée des pubs avant d’assister à la Fin du Monde. Enfin bref. Nos noms sont tous associés à des génocides. C’est pourquoi je vous ai recrutés tous les quatre. Pour que chacun puisse faire ce qui est nécessaire, s’il s’agit de la dernière option. Mais la mort, n’est pas une victoire. La mort d’un allié comme d’un ennemi reste une défaite. Je ne veux plus de la Mort comme compagne : à force de vivre à ses côtés, j’ai failli devenir comme elle – vide de tout. Alors, aussi fou que ça puisse paraitre, ce soir, nous sauvons les Liktalzzz ! »

Concluant son discours, il claqua des doigts, déclenchant l’explosion de la paroi derrière lui. Son corps, dos aux flammes brillait. Je restais figé quelques secondes, l’admirant. Sa prestance était exactement celle que je m’étais imaginée, celle que Charlie m’avait décrite avant que je ne quitte Londres. Aucun doute n’était possible, ce n’était pas un imposteur, c’était définitivement Lord Corlatius.

En à peine quelques secondes nous étions dehors. Nous les cinq étrangers à cette Terre venus y commettre un acte de guerre, courrions à travers les rues d’une ville dévastée – Leeds, si ce que nous avait dit notre patron était exact, mais je ne veux pas y croire de toute façon –, ne pouvant même pas s’arrêter pour se recueillir devant les ruines, surplombées par une gigantesque roue, vers laquelle nous nous dirigions, car nous avions déclenché l’Alerte Violette.

Dire que j’avais peur serait mentir, j’étais terrorisé. Ma main avait saisi celle d’Azéline, et mes jambes avançaient toutes seules, suivant l’homme au Stetson. Le reste est assez flou. Il y avait des rugissements, des hurlements, des bras monstrueux passant devant nous et que nous devions esquiver. Je n’en étais pas sûr à ce moment-là mais il me semblait avoir vu sur ces choses, un genre d’armure aux couleurs excentriques. Ce n’était pas comme l’invasion de Londres, c’était pire. Mais j’aurais pu m’en rendre compte bien avant : Corlatius ne se déplace que lorsque la situation est désespérée.

Et elle me le parut encore plus lorsque l’un des deux soldats qui m’avaient exaspéré tenta de me faire la conversation. Je ne lui en veux pas, j’imagine que tous les êtres humains normalement constitués font ça, face à la peur de mourir. Parler est un moyen de penser à autre chose, d’évacuer la souffrance, même si c’est à un homme qui aurait pu vous tuer de chagrin quelques minutes plus tôt. Quoiqu’en disant qu’il était normalement constitué, je m’avance peut-être un peu…

« Vous l’avez connu comment, Lord Corlatius ?
- Il est venu me chercher, il y a à peine deux heures. Mais je connais un de ses amis.
- Drak Béryl ?
- Non. Foster. Charles Foster.
- Nous aussi on l’a rencontré, à Budapest, avec Oliver… »

La discussion – qui pourtant démarrait bien, finalement – se stoppa net au moment où un cri se fit entendre à quelques centimètres de nous. Cette partie de la mission reste gravée dans ma mémoire et le restera jusqu’à ma mort. Aleks dont la voix tremblait d’admiration et dont les yeux pétillaient à la simple évocation du nom de Corlatius, s’est retourné et a perdu toute émotion de son visage. Il me fallut un temps pour oser l’imiter, mais je m’attendais à ce que j’allais voir : le cadavre déchiqueté de son compagnon, Oliver. J’aimerais dire que j’ai ressenti de l’empathie, mais il connaissait les risques et je ne l’aimais pas. Le seul sentiment qui me soit venu sur le moment était la joie : au moins ce n’était pas moi. Mais comparé à la réaction du Lord, ça ressemblait presque à de la compassion.

« La mort d’Oliver Campbell est regrettable. Il aurait dû faire plus attention. Tu le pleureras quand ce sera fini. Si tu ne le rejoins pas. »

Surpris et choqué de ses paroles froides à un homme qui venait de perdre son ami, je ne compris qu’après-coup que vivre dans la tête de l’homme au Stetson devait être horrible. Au vu de toutes les aventures qu’il avait traversées, s’il devait s’attarder sur tous les morts qu’il laissait derrière lui, il n’arriverait plus à dormir, et il pourrait même faire un livre complet, contenant les noms des victimes qu’il n’avait pas pu sauver.

Aleks l’a regardé, plein de haine. Il ne croyait plus en celui qui l’avait recruté, il avait perdu la foi. Mais les soldats, les bons soldats, continuent leur mission quelques soient leurs convictions – il était de ceux-là. Et il savait de toute façon que s’il n’allait pas jusqu’au bout de ce pourquoi on l’avait recruté, il ne rentrerait pas chez lui.
Silencieusement, comme lors d’une marche funèbre notre groupe se remit en route, s’approchant de la roue, symbole de notre funeste destin.

Après avoir esquivé d’autres monstres, traversé d’autres ruines, nous étions enfin arrivé devant l’Edifice, gardé par l’Armée Impériale, composée de ces créatures – Les Liktalzzz. Des frissons parcoururent une première fois mon corps. Je ne comprenais pas ce qui se passait. Ils portaient des armures, issues d’un temps différent du mien. Ils étaient chevauchés par des êtres humains, affublés des mêmes accessoires. Une nouvelle fois je tremblais en me rendant compte que le Lord était tétanisé. Je le connaissais depuis moins d’une demi-journée, mais je savais déjà que pour le voir en proie à la peur, c’était grave. Il balbutia quelque chose, comme :

« C’est…C’est impossible. On ne peut pas. Personne ne peut faire ça. »

Puis, il secoua la tête, pour se donner du courage et avança vers un de ces Gardes, reprenant de l’assurance au fur et à mesure qu’il s’en rapprochait. Il était impressionnant, égal à lui-même. Malgré sa stupeur, il dégageait une impression de puissance que jalouseraient les plus grands Seigneurs de Guerre.
J’étais aux premières loges pour assister à une joute verbale titanesque, il ne manquait plus qu’une tasse de café.

« Je suis Lord Corlatius, vainqueur de l’Incident de Dublin, assassin du Roi Marcheur de Ciel.
- Je sais qui vous êtes.
- Alors, vous savez que vous devriez m’amener à votre chef.
- Vous l’avez devant vous.
- Je ne veux pas parler à un pantin. Je veux m’entretenir avec l’Empereur en personne.
- L’Imperator ne reçoit que les visiteurs les plus braves.
- Et briser le Pacte, vous classez ça comment ? »

Tous les Gardes se figèrent. Sans un mot de plus, ils nous laissèrent passer, ouvrant une trappe située sous la roue pour nous donner accès à une étrange cabine, qui descendit pendant de longues minutes. . Un instant je regardais Azéline qui semblait aller bien, même si elle était un peu secouée par ce qui venait de se passer. Mais elle ne répondrait sans doute pas à la question qui me turlupinait :

« Pourquoi aucun de ces gardes ne nous escortent ?
- Ils n’en ont pas besoin lâcha le Lord, perplexe. L’Empereur est partout. »

Les portes de la cabine s’ouvrirent, nous donnant accès aux sous-sols de Leeds, ou plutôt à un palais luxuriant situé sous la ville – Azéline me fit doucement la remarque qu’il valait mieux vivre dans les égouts qu’à la surface. Je pensais que l’omniprésence de l’Empereur était une métaphore en voyant tous ces portraits, toutes ces statues représentants un homme portant la même armure que celle des chevaliers, avec une cape, symbole de puissance, qui ornaient la pièce Mais c’était beaucoup plus littéral.

Je ne sais pas si je dois l’écrire ou non dans ce journal qui ne sera peut-être d’ici quelques années plus qu’un conte pour enfants, ou au mieux un feuilleton distribué gratuitement à toute la population grâce à un moyen technique que je connaitrais jamais, à défaut d’être un recueil d’essais scientifiques. Mais toujours est-il j’ai eu la sensation de retrouver quelque chose de familier à la vision de cet homme, juché sur son trône. Mais c’est peut-être à cause des multiples représentations de sa personne, ou la fatigue jouant des tours à mon esprit.
Encore une fois, le dialogue fut musclé.
« C’est donc vous, le Cyber-Imperator ?
- Sir Corlatius. Mes serviteurs m’ont beaucoup parlé de vous. Je suis déçu, je vous imaginais plus perspicace.

La voix de l’homme était saccadée, extrêmement sombre et désagréable, presque robotique. Le Lord quant à lui n’était plus animé par la peur, mais par la rage.

- Oh mais je suis perspicace, je voulais juste m’assurer que ma fureur passerait bien sur la bonne personne. Mais de toute façon, quelle que soit la personne à qui je m’adresserais, c’est à vous que je parlerais, n’est-ce pas ?

Ne comprenant pas, j’ai préféré ne pas l’interrompre.

- Je ne vous suis pas, Sir Corlatius.
- Ne m’appelez pas Sir, ce n’est pas mon titre. Je suis Lord. Et je sais qu’il est impossible de contrôler les Liktalzzz, j’ai essayé, encore et encore. Même vos soldats et vos jolies armures n’en sont pas capables – séparément. Levez-vous de votre siège ! »

Dans un sourire psychédélique, l’Empereur exécuta l’ordre de Corlatius, dévoilant des câbles, connectés à toutes ses extrémités, reliés à son trône. Je commençais à comprendre l’aspect littéral de ce que m’avait dit mon ami au Stetson, à bord de la cabine. .

« Vous…vous implantez votre esprit dans des armures, que vous faites revêtir à vos sujets, et aux Liktalzzz. Vous êtes partout. »

Azéline s’est effondrée dans mes bras. Cette révélation l’avait choquée. Et je dois avouer que moi aussi.
Notre ennemi ne nia pas les explications du Lord. Il n’avait pas un mauvais fond, il était juste soucieux du bien-être de son univers et quelque peu avide de pouvoirs, comme nous tous, j’imagine.

« J’ai fait ce qu’il fallait, avec les moyens que j’avais. J’ai agi pour le bien-être de mon peuple. Personne n’est venu d’une autre dimension pour repousser ces envahisseurs. Mais je ne vous en veux pas, Lord Corlatius. Contrairement à moi, vous ne pouvez pas être partout. Vous pouvez juste faire ce que vous estimez le plus juste, au moment de votre arrivée.
- Je pourrais vous tuer. La déconnexion de votre esprit libérera tous ces gens de votre entreprise.
- Mais également les Liktalzzz. Et il n’y aurait plus personne à sauver.

J’avais pris la parole, saisissant pleinement la situation à laquelle nous faisions face, au choix que nous allions devoir faire, à ce pourquoi Corlatius était venu me chercher. Il était fier de moi. Je ne l’ai pas vu sourire, car on ne sourit pas lors d’un conseil de guerre, mais j’ai senti sa fierté me traverser. Ou je cherchais à m’en persuader. L’autre me regarda avec dédain, ne jugeant pas mon esprit suffisamment égal au sien pour me permettre de m’adresser à lui, puis il fit :

- Si toi et tes amis n’avaient pas le courage de me « débrancher », ou que vous comprenez mon choix, vous pouvez encore rentrer chez vous et ne plus jamais revernir, me laissant marcher seul parmi les extensions de moi-même. Bien qu’il existe une troisième solution, j’ai cru comprendre que vous tu étais en guerre. »

Personne n’eut le temps de répondre. Une balle vint pénétrer lentement le crâne du Cyber-Imperator. Pour éviter d’heurter la sensibilité des jeunes âmes qui pourrait lire ce livre, et plus simplement car il n’est pas nécessaire de décrire un assassinat pour se rendre compte de son horreur, je n’écrirais rien de plus sur cette scène. J’avouerais juste avoir eu l’impression que le temps s’était ralenti Et que ce n’est que lorsque les câbles se débranchèrent et que le corps de l’Empereur finit par se fracasser sur le sol que tout se déroula de nouveau à vitesse normale.
Aleks se tenait devant nous, derrière le cadavre, un pistolet à la main, toujours le visage absent de la moindre émotion, laissant cependant couler quelques larmes le long de sa peau.

« Il avait tué Oliver. »

Corlatius avait disparu, nous laissant tous les trois, seuls avec le cadavre, dans un silence pesant. Aleks ne bougeait pas, à plusieurs reprise je me suis demandé s’il respirait toujours. Azéline n’a pas arrêté de me demander s’il était parti sans nous, car il nous trouvait indignes de sa puissance, de sa présence. Je ne voulais pas y croire, ne pas écouter ce genre de discours absurdes et défaitistes. L’homme qui était venu me chercher, qui sans le vouloir m’avait poussé à partir à la recherche de créatures surnaturelles ne pouvait pas faire ça – il était meilleur que ça. J’ai commencé ce journal, pour m’isoler, pour garder Espoir.

Et au bout de quelques heures, le Lord était de retour, transmettant toute sa haine et toute sa tristesse à Aleks, en un simple regard. Poussant un long soupire, il nous expliqua la situation. Il n’en avait pas besoin, j’avais parfaitement saisit, rien qu’en le voyant : nous avions perdu. Les Liktalzzz et les Hommes avaient retrouvé leurs esprits, puis les Liktalzzz avaient dévoré leurs cavaliers, trop fous pour s’éloigner. Il restait encore des humains, libres, environ un quatorzième de la population mondiale. Mais ils ne tiendraient pas. Corlatius avait essayé de négocier avec le chef de ces créatures leur départ, pour les avoir sauvé, mais ils se savaient en position de force. La seule chose que lui accordaient ces monstres était la possibilité de fuir.

Ouvrant un premier portail, voyant que je prenais des notes, l’homme au Stetson me demanda de noter avec précisions tout ce qu’il allait dire.

« Aleksander Fonia. Un de mes amis est mort récemment, parce que j’ai laissé agir librement une personne comme toi, emplie du désir de vengeance. Je ne ferais plus cette erreur, et tant pis si je deviens ton ennemi. Je te destitue de tes fonctions. Tuer n’était pas ici l’ultime option, et ton geste a plongé ce monde dans l’obscurité. Tu ne devras plus me chercher ou entrer en contact avec un de mes alliés. Ta dernière mission en tant que membre des Sphères Unies sera de prévenir Oliver Campbell Junior. Il est orphelin, maintenant. »

Le soldat marmonna quelque chose d’incompréhensible et passa e portail. Avalant ma salive, j’avais peur d’avoir droit au même traitement. La lumière bleue disparut, une nouvelle fit son apparition.

« Hine, je referais sûrement appel à vous, à l’avenir. Vous avez été brillant. Je suis désolé que ça se soit terminé ainsi.
- Moi aussi. Mais dites, moi, quelle était la troisième option ? »

J’avais laissé passer Azéline devant. Ma question était rhétorique. J’étais persuadé de connaitre la réponse. Je voulais juste connaitre la réaction de celui que je considérais comme mon mentor plutôt qu’une réelle affirmation. Il fronça les sourcils, je compris qu’il n’aurait de toute façon pas choisi cette possibilité mais qu’aucune n’était juste.

Me reculant, prêt à partir, je regardais tout en disparaissant. Nous avions sauvé les Liktalzzz, la mission en soit était une réussite, mais nous avions perdu une bataille. Cela étant, la guerre ne faisait que commencer. Et les jours étaient comptés, car Lord Corlatius userait de tous les moyens nécessaires pour reprendre le Fort des Liktalzzz. Avant de complètement partir, je l’entendis murmurer :

« Il était comme moi. »

lundi 16 décembre 2013

Prose : Sentinel - Men of Layton


SENTINEL

Men of Layton

par Maxime Saint Michel et Edwin Boyer 

Base d’A.C.T.I.O.N numéro quatorze, lieu tenu secret. 

Il ne comprenait toujours pas pourquoi il avait accepté mais il était là, caché au milieu des soldats de cette organisation gouvernementale qu’il haïssait plus que tout. Au-delà de la peur d’être reconnu par quelqu’un qu’il ne connaissait que trop bien, son esprit était préoccupé par une pensée : il avait extrêmement chaud. Mais il ne fallait pas non plus être très intelligent pour s’enfermer dans une salle avec une centaine de personnes en uniforme quelques jours après la fin de l’été. Cela étant, on ne lui avait pas tellement laissé le choix, c’était un des inconvénients à être le meilleur dans son domaine, et son domaine c’était la déduction. 
Il était Dark Crow, le sombre héros des Justice Allies, l’homme le plus qualifié selon M et selon toutes les autorités compétentes pour analyser la situation et déduire ce qu’il fallait faire de Lui.

Lui, c’était cet homme – enfin si on pouvait encore le considérer en tant que tel – observé par ce petit rassemblement d’agents à travers une vitre teintée, qui se tenait au-dessus de corps inertes, dont la cape blanche aurait flotté dans le vent, s’il y avait eu une quelconque climatisation dans cette base. Cet homme dont le S symbolique sur la poitrine faisait trembler les criminels, rêver les enfants et fascinait les Héros.

« Alors, qu’en pensez-vous ? 

La voix semblait avoir surgi de nulle part, et pourtant un homme se tenait à quelques centimètres de Dark Crow, l’air inquiet.

- Pour l’instant M, je pense surtout que vous auriez dû rester agent au lieu de vous assoir derrière un bureau et de consulter des gens comme moi. Vous seriez bien plus efficaces que la plupart de vos employés. Pour le reste, je me contente d’être spectateur. »

Et autant dire que le spectacle était divertissant. Il n’avait pas fallu beaucoup de temps à l’observé pour mettre au sol une quantité impressionnante de robots, ce qui n’avait finalement rien de surprenant, c’était presque comme un tic scénaristique. En effet, chaque machine avait le pouvoir d’un des super-héros faisant régner l’ordre aux Etats-Unis depuis quelques années, ces Justice Allies. Il avait déjà mis à terre la plupart des membres « vivants », alors vaincre des versions d’eux-mêmes dépourvus de libre-arbitre n’était qu’une formalité. Et il se retenait, ça se voyait. 

« Monsieur Kir…Sentinel ? Nous allons faire rentrer un dernier combattant et nos tests seront finis. » 

Sur ces mots, M se tourna vers Dark Crow, un léger sourire aux lèvres.

« Celui-là devrait vous plaire. »

Un dernier androïde pénétra dans la salle. Le corbeau ne put s’empêcher de sourire. Pas parce qu’il était narcissique, égocentrique et que de voir un reflet de lui-même le rendait heureux, mais tout simplement parce qu’il ne comprenait pas l’intérêt qu’A.C.T.I.O.N avait d’avoir un robot à son effigie. Il n’avait pas de pouvoir, que pouvaient-ils copier, à part un costume noir et une longue cape ? Le comportement ? Non, c’était ridicule, ils ne le connaissaient pas suffisamment pour calquer entièrement son esprit, mais dans tous les cas cette chose pourrait s’avérer pratique, si jamais il décidait de quitter les Justice Allies. Ce serait un  remplacement symbolique. Il devait absolument la détruire. A moins que quelqu’un ne s’en charge avant lui.

L’homme que M avait désigné sous le nom de Sentinel avait attendu que le robot s’approche de lui pour lui pour lui donner un coup de poing. Alors que le métal résonnait, il ne pouvait pas s’empêcher de penser à ce qui s’était passé, ces soixante-dix dernières années, pendant qu’il était…absent. Ce qu’on lui avait rapidement expliqué comme la destruction de ces deux – non, trois – tours et la mort de tous ces gens l’avait traumatisé. Gagner la guerre, était une chose bien moindre comparée à ce qui a suivi. Et s’il était resté, est-ce que ça ce serait passé de la même façon ? Aurait-il pu les sauver ? Le plus honnêtement possible, il n’en savait rien. Mais, il était sûr d’une chose : maintenant qu’il était revenu, il ne laisserait plus de tels évènements se produire. Il était Sentinel, le plus grand héros de la Terre, un exemple pour les enfants, il n’échouait jamais. Il n’en n’avait pas le droit.

Au fur et à mesure que les coups pleuvaient sur la machine, d’autres questions, d’un ordre moins moral venaient le perturber. Qu’étaient devenus ses amis de l’époque ? La plupart étaient sans doutes morts, c’est une chose qui arrive souvent aux gens qui n’entrent pas en hibernation dans l’espace pendant plus d’un demi-siècle. Ca l’attristait. Et il donnerait n’importe quoi pour revoir cette femme, si parfaite qui l’aimait et qu’il aimait avant sa disparition. Mais il avait peur de la façon dont elle avait pu changer. Et il avait oublié son nom, comme si quelque chose l’empêchait de se souvenir de…

Un bruit de circuit grillé. Mais ce n’est pas tout. Son ouïe, plus développé que la moyenne a également était capable d’entendre un avalement de salive. Ce qui était compréhensible. Sentinel n’était pas conscient de la présence de Dark Crow dans la salle, mais s’il l’avait su, il se serait douté que de voir une copie de soi-même étendue sur le sol au bout d’une minute de combat, ça devait faire un choc. 

Ce qui était assez fascinant en revanche, du point de vue qu’était celui du héros sombre, c’était que son homologue de la Seconde Guerre Mondiale avait vaincu tous les adversaires qui lui avaient été opposé, sans jamais, à aucun moment frapper pour tuer. Comment avait-on pu gagner une guerre avec autant de pacifisme ? Ces combats devraient servir de leçons à la plupart de ses confrères actuels. 

Kirk inspirait, expirait. Enfin cet entrainement était fini, il allait pouvoir quitter cette maudite base et choisir sa nouvelle vie. En supposant qu’il soit capable de s’adapter à ce nouveau monde étrange, qui avait pourtant été le sien. Mais le répit fut de courte durée, lorsqu’un autre cyborg, un peu plus perfectionné que les précédents pénétra dans la salle d’entrainement. 
« M, on n’avait pas dit que c’était fini ? »

La surprise de l’homme était encore plus grande à la fin de sa phrase. Il avait eu le temps de se rendre compte que l’androïde qui se tenait devant lui portait – comment dit-on ça de façon condescendante au vingt-et-unième siècle ? – une version daltonienne de son costume.

« Porter du vert et du violet, tu sais que c’est complètement dépassé ? Ca date du siècle dernier. Et j’en sais quelque chose. »

Sur ces mots, Sentinel donna un coup de poing…dans le vide. Sans qu’il ne comprenne comment ni pourquoi, l’être artificiel était arrivé derrière lui afin de lui rendre son coup. En visant correctement. Le héros était à terre. Une seconde attaque. Il avait été projeté contre un mur. Pour la première fois depuis le début de cette série de combats absurdes, il saignait. Et pour aller plus loin, pour la première fois depuis le début de cette série de combats absurdes, il avait été touché par une de ces machines stupides. 

Paradoxalement, il ne ressentait pas une réelle douleur, mais la blessure sur son corps semblait s’être répandue jusque dans son ego. Tentant à nouveau une attaque, il fut paré, plaqué au sol et roué de coups. Alors, c’était ça le plan de M ? Envoyer des soldats de secondes zones pour mettre son adversaire en confiance et dégainer l’artillerie lourde par la suite ? C’était une stratégie honteuse, même si elle avait le mérite de fonctionner. 

Allongé, tentant d’esquiver les poings du cyborg, Sentinel put remarquer un C sur la poitrine de son ennemi. Rien de surprenant, ils ne pouvaient pas non plus utiliser toute sa symbolique. Il cherchait à se concentrer sur cette image, pour garder son calme, mais il sentait que lentement il perdait le contrôle, sans savoir précisément ce qui se passait. Etait-il en train de s’évanouir ? Allait-il revivre sa disparition, subir une mort à long terme ? Non. Il ne le voulait pas, il ne le pouvait pas. Cette absence mentale, ce rassemblement de Rien, c’était…traumatisant. Au point qu’il ne le souhaiterait même pas à son pire ennemi. 

Et pourtant, peu à peu, le noir l’envahissait, une nouvelle Absence commençait, sans qu’il ne puisse rien faire, à part vainement essayer de résister en poussant des gémissements qu’on pourrait apparenter à des cris de douleurs, tout en agitant ses bras, pour repousser le robot, sans résultat. Le retour du Héros avait été rapide, il s’apprêtait à disparaitre aussi vite qu’il était arrivé, dans une honte incommensurable. C’était fini… 

En à peine un instant, il n’y avait plus de lumières, plus de bruits, même plus d’odeurs. Il ne restait plus que le vide, sans aucune pensée. Il ne restait plus que le néant.

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Une vision brouillée. Des mains tremblantes tenant difficilement des…morceaux métalliques. Kirk arrivait à distinguer des soldats et des armes pointées sur lui mais ne comprenait pas encore ce qui venait de se passer. Il ressentait une certaine douleur dans l’ensemble de son corps, comme s’il venait de se réveiller après avoir vidé une dizaine de bouteilles de whisky avec ses camarades soldats, à l’époque de la Seconde Guerre Mondiale, dans son autre vie, celle qui ne ressemblait désormais plus qu’à un rêve. 

« Qu’est-ce que vous…m’avez fait faire ? »

Alors que le brouillard devant ses yeux commençait à se dissiper, Sentinel se rendait compte que dans ses bras se trouvait le cadavre du dernier cyborg qui l’avait attaqué. Techniquement parlant, ce  n’était pas un être vivant, mais il l’avait tué et c‘était tout ce qui l’importait. Il avait pris une vie et il ne s’en était même pas rendu compte, l’espace de quelques minutes il avait complètement perdu le contrôle. 

« QU’EST-CE QUE VOUS M’AVEZ FAIT FAIRE ?! »

La rage du Héros grandissait, les soldats tremblaient mais M et Dark Crow s’interposèrent. Ce n’était pas un vieillard qui allait effrayer le protecteur de Twilight City. Il allait devoir apprendre à contrôler ses pulsions s’il voulait s’intégrer pleinement dans ce nouveau monde, au sein des Justice Allies. 

« Ce n’est pas nous. Nous n’avons pas envoyé cet androïde. A.C.T.I.O.N a été piraté. Et vous avez un message. fit froidement le Corbeau en désignant un écran à sa droite. »

FELICITATIONS, SIR SENTINEL. DINONS ENSEMBLE. 
C.S. 


lundi 9 décembre 2013

Prose : Cyber-Shield - The Fourteenth Study

CYBER-SHIELD

The Fourteenth Study

par Maxime Saint Michel

Le soleil rayonnait sur le monde en ce jour de mai. Le soleil rayonnait sur le monde et plus particulièrement sur l’Angleterre, ce qui gênait la vision d’un jeune homme excentrique, enfermé dans une cabine téléphonique à Leeds. Evidemment, il n’y était pas par plaisir, il n’était pas un homme fou dans une boite mais un sourire malsain parcourait son visage fin alors qu’il parlait. Bien sûr, il ne parlait pas tout seul, il utilisait cette cabine pour sa fonction principale : le téléphone, contrairement à ce qu’on pourrait penser en voyant les différentes photos obscènes recouvrant l’intérieur : 

« Non, je ne suis pas responsable de la bataille de métahumains à Europazia le soir de Noël. Je n’étais pas courant. Et…Budapest ? Un pays comme la Hongrie a le droit d’avoir une capitale ?  » 

Marquant une pause pour écouter la réponse de son interlocuteur, le jeune homme passa sa main dans ses cheveux blonds avant de soupirer. Ce coup de fil – en plus de perturber son emploi du temps plus que chargé – était dénué de tout intérêt. Tout ça l’agaçait. L’ennui l’envahissait et son comportement en pâtissait : ton hautain, tics nerveux comme le mouvement non contrôlé des doigts de la main gauche...Enfin surtout les tics nerveux. Le ton hautain était habituel chez lui. Là, il était juste plus…présent.

« Vous me forcez à vous appeler depuis une cabine téléphonique, monsieur le Président. Je pense que ce n’est pas à moi d’apprendre mon métier. Au revoir, Arthur. »

Sans attendre une quelconque réponse, il raccrocha violemment. De toute façon cet esprit inférieur qui dirigeait les United States of Eurasia depuis plus de vingt ans avait besoin de lui : quoi qu’il pense de ses actions, il ne pouvait pas s’en passer. Mais qui en Europe et ailleurs pouvait se passer du célèbre Jeffrey H., président directeur général d’une des plus grandes compagnies de divertissement que cet univers ait connu ? Peu de gens. Même s’il ne pouvait s’empêcher de se demander comment ils faisaient avant qu’il ne soit là.

Vérifiant d’abord que son long par-dessus marron était bien en place, Jeff ouvrit lentement la porte. Sortant la tête, regardant les autres êtres humains avec dédain et son environnement avec une certaine fascination, il finit par sortir, utilisant sa main pour protéger ses yeux noirs du soleil. Alors que tous les passants l’observaient remplis d’admirations ou le dévisageaient haineux, il constata une chose intéressante : il était le seul à être…seul. La solitude était sa compagne depuis sa naissance, il l’avait choisie, parce qu’il était plus brillant que les autres, car les attaches sentimentales empêchaient de faire certains choix, certains sacrifices, parce qu’il était persuadé qu’être en groupe le rendait faible et qu’il n’était par conséquent définitivement pas fait pour travailler en équipe. Et il était heureux de cette situation

Le générique d’une série anglaise. Une rapide fouille dans la poche droite de sa veste. Un regard sur son BananaPhone – la seule technologie non-issue de son entreprise de divertissement qu’il possédait, car il considérait la concurrence meilleure dans le domaine des smartphones. Un message lui demandant de rejoindre un vieil ami dans un bar au nord de Leeds. 
Oui, parfois il lui arrivait de changer ses habitudes. C’était un des problèmes auquel il était confronté depuis son arrivée ici.

Quelques minutes plus tard, il était arrivé au 221 Bee et s’asseyait devant un être étrange recouvert par un sweat-shirt à capuche bleu foncé. Les deux personnages ne se serrèrent pas la main. Ils n’avaient pas besoin de ces coutumes de politesse humaines qui les dépassaient. Un profond respect mutuel les liait de par leurs origines respectives, ainsi que leurs différents exploits, en commun ou pas. Avant qu’un quelconque silence n’ait le temps de s’installer et remarquant que l’autre avait une tasse de thé devant lui, Jeffrey fit un signe à une serveuse.

« Un verre d’eau.
- T’es anglais et tu respectes pas l’heure du thé ? Nan mais, à l’eau quoi.

Cette pointe d’ironie posait le ton de la discussion qui allait suivre. Le jeune PDG attendit que la serveuse  lui ait apporté sa boisson pour lui adresser un sourire forcé à défaut d’un « merci » avant de répondre :

- Je n’ai jamais aimé le thé. Et ils ne servent pas de café. Mais je suppose que tu n’es pas venu ici pour parler de mes habitudes alimentaires – surtout que contrairement aux héros américains, je ne souffre d’aucun problème d’alcoolisme. Enfin je  l’espère pour toi vu la distance que tu as parcouru. D’ailleurs, tu es venu comment ? En avion ? En bateau ?
- A la nage.

L’homme but une gorgée d’eau et émit un léger rictus.

- Je ne sais jamais si tu plaisantes ou pas, quand tu dis ça. Et je crois que je ne préfère pas le savoir.  Toujours est-il que je ne sais pas pourquoi tu es là.
- Je ne pouvais pas juste avoir envie de te rendre visite ?
- Non. Personne n’a envie de me rendre visite. 
- Tu as raison. J’ai des informations sur ce que tu recherches. Et vu tes liens avec notre fondateur, j’ai préféré te les donner moi-même. »

L’encapuchonné sortit une clé USB de sa poche et la posa sur la table avant de saisir sa tasse. En à peine une dizaine de secondes, il avait tout bu. Les yeux noirs du britannique étaient remplis de gratitude. Pour la première fois depuis des mois,  toute trace de mépris avait disparu de son visage. Se levant, il prit le « cadeau » de son ami.

« Merci Squall. On se voit lundi à l’entrainement ?
- Il faudra attendre Forgotten Generation 3.
- Quoi ? 
- Blague du scénariste. On peut pas comprendre. »

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La pièce aux murs violets, tapissés d’écran de télévision, et où résonnait en boucle Golden Brown des Stranglers, dans laquelle errait Jeffrey H. était un genre de laboratoire où il aimait passer son temps libre. C’était un peu son refuge lorsqu’il voulait s’éloigner de tout ou qu’il avait besoin de mener des recherches poussées. Il le considérait comme son second bureau, celui qu’il  utilisait pour son vrai métier, quand il n’était pas président directeur général. Mais cet endroit avait un nom, c’était…

« L’Enclave de Vérité…sent quand même un peu le vomi…et l’urine. Note à moi-même : le nettoyer. Ou demander à la secrétaire, si je trouve une secrétaire. »

Le britannique parlait tout seul en allant s’asseoir face à l’ordinateur qui dirigeait tous les écrans pour y enfoncer lentement la clé USB que lu avait confié Squall. Il n’avait pas encore de secrétaire ou de jolie assistante et n’en aurait sans doute jamais, pas plus qu’une intelligence artificielle utilisée comme un major d’homme. Autant dire qu’il n’avait rien ce serait plus simple. Le problème, si on pouvait appeler ça un problème, c’est qu’il n’était pas le fils d’un milliardaire, même s’il était extrêmement fier de ses ancêtres, des gens brillants. Presque autant que lui. En effet, à part son cerveau, tout ce qu’il possédait, il l’avait volé ou le devait à des gens qu’il n’appréciait en aucun cas. Le jour où il choisirait de tout abandonner, ce serait aussi matériel. Son entreprise de divertissement, cette base…on lui reprendrait tout. Mais il n’en avait que faire, tant qu’il conservait ses capacités cognitives et son libre-arbitre. Cette cage dorée qu’était sa vie actuelle ne l’intéressait pas. Tout ce qu’il désirait, c’était le pouvoir.

« Il aurait pu faire un effort et compresser les fichiers. Le téléchargement est affreusement long. »

Tapotant sur son bureau, au rythme de la musique pour se donner l’impression que le temps passait plus vite, Jeff regardait les écrans recouvrant la pièce, fasciné. Tous montraient des versions alternatives de lui-même : ce qu’il aurait dû être, ce qu’il pourrait être, ce qu’il…devrait être. Attiré quelques secondes par ce lui aussi héroïque que pragmatique qui se remettait d’un cataclysme qu’il avait empêché en s’alliant à d’autres héros, son regard se tourna vers son idole : l’Imperios, qui avançait seul dans un vaisseau spatial, volant au-dessus de planètes dévastées constituant son domaine. Evidemment, c’était assez paradoxal qu’un éventuel lui futur soit son idole et il aurait pu s’étendre sur cette réflexion tout en continuant de chercher des « Luis » plus impressionnant encore, s’il n’avait pas été sorti de ses pensées par un « BIIIIP ».

« Même pas de voix robotique pour me dire « TELECHARGEMENT TERMINE » ? »

Cynique, il sourit cependant en voyant les données qu’il avait récupérées s’afficher sur le moniteur de l’ordinateur. En à peine une minute, ses vêtements avaient été remplacés par une armure cybernétique recouvrant intégralement sa peau. Un jour, il serait peut-être un véritable héros, un empereur intergalactique, ou bien juste un détective consultant. Mais pour l’instant il était Cyber-Shield, l’homme qui avait un plan. Le Plan.

mardi 12 novembre 2013

Les Rencontres du 9e Type 2013, le compte rendu officiel (un mois plus tard)


 Parce qu'il n'est jamais trop tard, voici l'heure de vous raconter la journée du 10 octobre 2013 aux Rencontres du 9e Type à Poitiers.

Un périple raconté par Florian, et mis en images par Fabien et Alexis.







C'est à pieds que nous partîmes, Fabien et moi, chargés comme des mules et sous la pluie. L'ouverture aux exposants était à 8h, on est arrivés sur les lieux vers 9h. Le temps de saluer les gens, de repérer les lieux, de régler les petits problèmes de logistique, l'installation du stand s'est finie alors que les premiers festivaliers arrivaient, soit à 10h. 






 A noter que nous étions vernis : notre stand était à l'étage dans un coin très peu pourvu en lumière, et situé juste à côté de l'escalier, de sorte qu'on aurait pu nous rater sans trop de difficultés, mais finalement non ! Quelques curieux se sont arrêtés durant cette première heure, puis Alexis a fini par arriver, l'occasion de se faire immortaliser par l'appareil photo de Fabien et de se motiver mutuellement à crobarder comme les jeunes foufous que nous sommes. Il fallait bien marquer le coup, étant donné que c'était la première dédicace d'Alex et mon premier salon où Arcadia était représenté par deux auteurs.


 Et ensuite ? Eh bien on a eu pas mal de monde, et on a enchaîné pas mal de dédicaces avant la pause déjeuner ! Un couscous plus tard, c'était reparti plus calmement, mais on a quand même eu une bonne affluence, notamment les collégiens de Saint Jean de Sauves dont l'enthousiasme nous a fait très plaisir et qui sont repartis bien pourvus en dédicaces (on attend toujours les scans et photos, les petiots !). Mais on a eu aussi bon nombre d'adultes.



 Oui, des fois on ne pouvait même pas nous voir derrière le public, signe que le festival a bien fonctionné pour nous. Mais si le public a été bien présent, on remercie également les bénévoles qui ont fait en sorte qu'on ne manque de rien ; comme l'an dernier, sauf que cette fois, ils devaient monter et descendre l'escalier pour rejoindre les différentes salles, ce qui rend leur dévouement d'autant plus courageux. En revanche, il nous a été impossible d'assister aux spécificités du festival (rencontres avec des auteurs et concert), étant donné que nous étions au stand, donc difficile de voir le surpassement des organisateurs.

Dernières dédicaces, puis nous avons fini par remballer tranquillement, avant d'aller manger quelques gâteaux apéritifs au rez-de-chaussée avec tout le monde, et de prendre congé. Il existe des témoignages compromettants de la soirée qui a suivi, mais je ne les divulguerai que pour un prix exorbitant. Quoique... Non, vaut mieux pas, nous sommes tous compromis.

Une bonne journée, conclue par une bonne soirée, c'était le top ! 9e Art En Vienne, on revient quand vous voulez !

Comment finir autrement que par des photos de dédicaces ? C'est les seules qu'on a pu prendre, il en manque donc beaucoup.







 BONUS TRACK !

Un compte rendu du festival de l'an dernier avec une photo plein pot prise sur le stand ! Il a fallu que je cherche sur le net pour tomber par hasard dessus, mais bon, voici le lien, sur le blog de la Coccinelle ! Amusez-vous bien !




dimanche 10 novembre 2013

Prose : Lord Corlatius - Il est temps


LORD CORLATIUS

Il est temps

par Ben Wawe

La lourde porte en bois s’ouvre dans un grincement. Les effluves d’encens, de mets sophistiqués, d’alcool et de cervelle humaine fraîche accueillent les trois nouveaux arrivants ; un concert de murmure couvre les gémissements du prisonnier.
Propulsé à terre, bâillonné, entravé par des chaînes millénaires venues d’un autre monde, ce dernier lève lentement les yeux et découvre de nouvelles horreurs. Femmes aux visages défigurés, collés deux à deux par des opérations réalisées par des mains expertes et sadiques ; nains aux yeux arrachés, dont les globes secs pendent le long de leurs cous atrophiés ; cadavres frais de jeunes vierges qui serviront bientôt de défouloir sexuel ; rôtis de cuisses humaines, assaisonnés de doigts en rondelles ; créatures inhumaines se réjouissant de la venue d’une nouvelle victime, propre à tromper leur ennui millénaire.
Ryumaru Nogard pousse un long soupir et serre les dents. Les portes de l’enfer se sont ouvertes, et il a plongé dedans.

Agenouillé au centre de la pièce, le jeune franco-japonais sent sur lui des dizaines d’yeux vitreux, appartenant à des créatures qui ne devraient pas être ici. Il ne bronche pas.
Dans cette salle sphérique, aux murs rougis par la peinture et le sang qui s’y déverse depuis trop longtemps, une douzaine de monstres attend le prochain mouvement, la moindre réaction de leur nouvelle proie ; Ryumaru se contente de bouger les yeux pour tous les fixer, le visage neutre – hors de question de leur donner la moindre trace de terreur, la moindre faiblesse. Ils devront faire mieux.

« Je n’ai pas commandé d’encas », glisse une voix sifflante juste en face. Assise sur un immense trône en os et crânes humains, une forme humanoïde, à la peau violacée, esquisse un sourire sadique avec une bouche disproportionnée. Vêtue simplement d’un caleçon sombre, la créature arbore un torse impressionnant, surmonté par un crâne ovale muni de deux yeux rectangulaires et d’oreilles pointues. Son expression terrifie Ryumaru, mais à nouveau il ne le montre pas – pas encore.
« Il a tenté de pénétrer dans la Tour, Maître », répond d’une voix calme un de ses deux geôliers. Grand, blond, musclé, droit dans ses bottes, il est l’aryen parfait, alors que son collègue est de taille moyenne, roux et vaguement ventripotent. Tous deux portent des combinaisons sombres, avec deux armes à feu sur les hanches, et ils savent s’en servir.
« Ah oui ? C’est un touriste ? », répond la créature violacée en jetant un regard glacé à l’assemblée hétéroclite de monstres, peuplée de bêtes ailées, parfois humanoïdes, parfois non. Un éclat de rire général et forcé suit, quand la cour comprend que son roi veut être applaudi.
« Nous pensons qu’il est venu chercher un de vos… jouets, Maître », réplique le grand blond en posant son regard à quelques mètres de là, sur un monticule informe, repoussant – un tas de chair. Si plusieurs fauteuils, poufs, canapés et tables sont éparpillés contre les murs, cette partie de la pièce est légèrement abandonnée, dévolue aux déchets – aux restes.
« Ah… je vois. Tu as voulu retrouver un proche, jeune humain ? Un frère, une sœur ? Une compagne, un compagnon ? », murmure la créature en s’avançant, ses mains à quatre doigts crispées sur les bras de son trône. « Trouve ton bonheur si tu le peux, petit homme… il est toujours amusant de vous entendre hurler en découvrant que vos espoirs de fin heureuse sont déçus. »

Le roux ventripotent donne un violent coup de genou dans le dos de Ryumaru, pour le pousser en avant ; il ne parvient pas, cette fois-ci, à retenir un frisson.
Il rampe lentement, les poignets enchaînés, pour s’approcher du tas dégoûtant. Ce n’est que l’ultime étape de cette plongée dans l’horreur de la Tour, ce bâtiment de treize étages perdu dans une banlieue sombre de Budapest, que la municipalité a abandonné après la construction de cette monstruosité. Grande, écharpée, terrifiante, la bâtisse est digne des pires récits d’horreur, mais Ryumaru a découvert que ses cauchemars étaient hautement en dessous de la vérité au fil de ses découvertes.

Douze étages de vice, de folie, de mort, de tortures et d’horreurs lui ont été présentés par ses deux geôliers, qui l’ont appréhendé alors qu’il essayait, sans grand talent, de s’introduire discrètement dans la Tour.
Lentement, palier après palier, au fil des longues marches en pierre, des chambres cauchemardesques et des charniers, le jeune homme a compris qui sont les maîtres des lieux – des monstres. Juste des monstres.

« Tu rejoindras bientôt celui ou celle que tu cherches, petit homme. Bien sûr, cela ne sera pas rapide, cela ne sera pas agréable… mais tu rejoindras bientôt les tiens. Nous, Liktalzzz, ne sommes pas dénués d’émotion, et nous t’aiderons quand tu le demanderas. Mais avant, tu nous diras comment tu nous as trouvés, et ce que tu sais de nous – tant que tu as encore ta langue, bien sûr », murmure le Maître à quelques mètres de lui.

Allongé sur le sol, Ryumaru se sent vaincu – acculé. Vêtu simplement d’un jean et d’un pull sombre, incapable de se relever ou de parler, il sent la peur naître lentement dans son cœur. Autour de lui, les autres créatures, les autres Liktalzzz, des monstres venus d’une autre dimension, continuent de le fixer, attendant impatiemment l’heure des tortures et du festin.
Quelques gémissements de servantes et soumises, abusées par les excroissances de certains membres de la cour du Maître, rompent l’épais silence. Les odeurs de chair brûlée, de chair morte arrachent une toux âcre au jeune prisonnier, qui doit se forcer pour ne pas renvoyer le maigre repas qu’il a englouti la veille.

Ryumaru a peur – mais Ryumaru l’avait prévu.
Et il lui fait confiance.

« Oh oui, tu vas perdre ta langue, mais ce ne sera que le début. Vois-tu, nous sommes des gour… », commence le Maître avant de s’arrêter en plein discours.
Des cris, venant de quelques étages en dessous, l’ont interrompu – et ces cris ne sont pas humains. Ils ne viennent pas de leurs jouets.

Dans sa tête, Ryumaru liste toutes les blagues, toutes les piques qu’il aimerait lancer au Maître et à ses créatures, beaucoup moins à l’aise. Les deux brutes qui l’ont emmené ici s’emparent de leurs armes, et se tournent vers la bête dominante pour entendre ses ordres ; ceux-ci ne viennent qu’au bout de quelques trop longues secondes.

« Toi, descends et va voir. Toi… qui es-tu, toi ? Tu es nouveau ? », aboie le Maître en fixant de ses doigts crochus le roux ventripotent.
« C’est un infiltré qui s’est activé seul, Maître… il nous a rejoint quand son groupe a été supprimé. Il est Anglais, et il est coincé dans cette forme, mais il est OK », répond le blond d’une voix calme et sûre.
« Grumff… bien, accompagne-le, je veux savoir qui dépasse mes règles. Vous savez tous qu’ici, nous offrons la souffrance, nous ne la recevons pas », reprend-il avec un ton qui se veut confiant, mais ne parvient pas à rassurer les siens.

L’apparition d’un cercle d’énergie bordeaux, entre le Maître et ses deux serviteurs, n’arrange rien. La chute d’un Katana ancien, téléporté par ce portail, ne fait que confirmer le doute dans la cour infernale.

« Non… non… », murmure le Maître en reculant. Le portail rougeâtre disparaît soudainement, et la créature sursaute en sentant une présence dans son dos. Elle se tourne pour découvrir Ryumaru – debout, calme, souriant, libre. Plusieurs petits portails de téléportation disparaissent, emportant les chaînes millénaires.
« J’ai cru comprendre que vous appréciez la langue, et que vous vous faisiez une joie de profiter de la mienne. Laissez-moi l’occasion de vous démontrer son agilité, pour vous en donner encore plus envie », annonce le jeune homme d’une voix enjouée, en craquant lentement sa nuque.

La lourde porte de bois cède soudainement, faisant apparaître une petite bête ailée et terrorisée. « Maître ! Maître ! », hurle-t-elle. « Ils… ils sont là ! »
« Qui ? Parle ! Que se passe-t-il ? », questionne le Maître d’une voix beaucoup trop incertaine. Sa cour s’est déjà rapprochée de la sortie.
« Ils… les Sphères Unies ! Les Sphères Unies nous attaquent ! », répond la créature ailée en se posant pathétiquement sur le sol, visiblement épuisée.
« Non… non… eux… et… les portails… rouges… », murmure-t-il en baissant les yeux, tétanisé. Les autres ont également compris – il est là.
« Oh si, monsieur le Maître. Oh si », reprend Ryumaru en s’approchant du Katana, abandonné au sol, alors que ses deux geôliers le fixent avec leurs armes sans réagir, attendant des ordres qui ne viennent pas.

Plus bas, dans les douze étages de la Tour, une cinquantaine d’hommes et femmes en combinaisons sombres, recouvertes d’un symbole formé de deux sphères blanches collées ensemble, apparaissent et disparaissent grâce à des centaines de portails de téléportation bordeaux. Ils apportent la mort et le chaos.
Ces troupes, surentraînées, surmotivées, tirent, coupent, arrachent, achèvent les dizaines de créatures qui s’amusaient des souffrances de leurs jouets. Les explosions se succèdent, des cris d’effroi sont arrachés à des gorges inhumaines, et la Tour accumule les charniers – mais en charniers de créatures, maintenant.

Et plus haut, au treizième étage, le Maître hurle de rage en se tournant vers Ryumaru, un doigt vengeur pointé sur lui. « Toi ! Misérable… misérable petit humain banal ! Sale bâtard ! Crétin insignifiant et… et faible ! Tu… tu… », crie-t-il pour cacher la terreur par la colère.

« Allons, allons, monsieur le Maître… restons sérieux. Certes, je suis humain, et je ne suis pas grand. Certes, on peut me qualifier de misérable, car je ne suis pas bien riche. Certes, je suis issu de deux races, et puis être considéré comme un bâtard. Certes… où en étais-je ? Ah, oui : certes, certains me considèrent comme un crétin à cause de mon humour, mais… insignifiant ? Faible ? », énonce Ryumaru d’une voix enjouée.
« Non, monsieur le Maître », continue-t-il d’une voix soudainement plus dure, en tenant d’une main son Katana et en cherchant quelque chose dans la poche de son jean. « Je ne suis ni insignifiant, ni faible ». Il glisse alors un tissu sur son visage, soudainement protégé par un masque jaune, muni de deux petits yeux verts. « Et je ne suis définitivement pas banal. »

D’un geste ample, rapide et précis, Ryumaru, alias Drak Béryl, héros franco-japonais des Etats-Unis d’Eurasie, tranche le bras tendu du Maître, qui recule en hurlant de douleur. Un frémissement de terreur s’empare de l’assistance, mais la brute blonde réagit et s’avance pour assurer son tir et éliminer l’agresseur. Un tel crime ne doit pas rester impuni.
Deux balles sont tirées – et le grand blond s’écroule, son crâne anéanti. A ses côtés, le roux ventripotent laisse fumer le canon de son arme, et offre un sourire de connivence à Ryumaru.

« Il était temps, Charlie », réplique ce dernier en serrant son Katana et en fixant son attention sur la cour du Maître, qui s’est enfin reprise et s’approche pour leur faire payer leurs actes. « J’ai failli attendre. »
« Si tu n’as que failli attendre, j’avais donc encore tout mon temps », répond Charles Foster, une créature extradimensionnelle infiltrée dans le monde humain pour l’envahir. Placé là comme une taupe, un agent dormant, il a été activé partiellement, et bénéficie désormais des pouvoirs de son peuple, mais a conservé son esprit humain. Il rejette tout ce qui vient de sa race, est formé par l’autre et a voué sa vie à la destruction de cette Tour forgée et animée par les siens.
« Tu n’es qu’un salaud, Charlie Foster », sourit sous son masque Drak Béryl en se préparant au combat.
« Je suis leur cousin, Ryu : être un salaud, c’est un compliment pour moi », réplique-t-il en vidant son chargeur sur les créatures approchantes.

Un ballet de mort s’engage, entre une assemblée de monstres violents mais ralentis par leurs abus, et deux êtres qui ont simplement décidé de les exterminer jusqu’au dernier.
Malgré son poids, Charles Foster est plus souple, plus fort, plus agile et plus rapide que les humains normaux ; son récent entraînement auprès des Sphères Unies, une organisation secrète qui vise à annihiler la race d’envahisseurs dont il est issu, lui permet de prendre le dessus sur tous ses adversaires.
Ryumaru, Drak Béryl, use de son sabre, de sa science du combat et de ses capacités surhumaines, avec notamment un souffle de feu digne d’un dragon des Temps Anciens, pour tailler sa route dans la cour infernale. Même s’il ne le sait pas encore, il ne lui manque que peu de choses avant de devenir le sauveur que l’Univers attend – et l’heure approche.

De cette danse macabre, des massacres qui continuent dans les douze étages en dessus, le Maître ne voit rien.
Blessé, il a profité du chaos pour emprunter un passage connu de lui seul. Quelques secondes plus tard, il émerge sur le toit de la Tour… seul, mais vivant. Il sait très bien que ce n’est qu’une question de secondes avant que les Sphères Unies n’en finissent avec les siens, mais il sera déjà trop tard : il aura fui grâce à son Sort d’Echappe, et il pourra…

« Salutations, Ghj’opm », murmure une voix lente derrière lui.
« Non… non… », bredouille le Maître en se tournant vers son interlocuteur. La main crispée sur sa plaie, il découvre dans les ténèbres la silhouette qui s’approche lentement de lui. Sur ce toit escarpé, minuscule, un homme de taille moyenne, protégé du froid et de la nuit par un long imperméable marron, le fixe sous son chapeau Stetson. Avec ses lunettes noires, ses tempes grisâtres, il s’arrête à un mètre à peine du Maître, qui a définitivement perdu tout charisme et toute confiance.
« Vous avez déjà joué cette partition avec mes associés, Ghj’opm, et cela vous a coûté un membre. Je suis tout disposé à continuer dans cette voie, mais je doute que vous partagiez mon opinion », répond d’une voix trop calme l’inconnu.
« Tu… tu devrais pas… être… là… », s’abandonne ce dernier en reculant encore.
« Bien sûr que non. Et c’est exactement la raison de ma présence », réplique l’inconnu en s’avançant toujours.
« Tu… tu t’en prends… aux attaques… invasions… pas… pas nous… », couine le Maître, pathétique.
« En effet, j’ai longtemps concentré mon action sur vos activités… publiques, ou au moins visibles. Je ne me suis jamais réellement intéressé aux établissements comme le tien, ces Tours d’horreur et de torture qui vous permettent de vous implanter sur Terre. Sur toutes les Terres », annonce-t-il d’une voix toujours neutre et maîtrisée. « Cependant… les choses changent, Ghj’opm. Je change. »

Lentement, l’inconnu plonge sa main dans une poche intérieure de son imperméable, pour en sortir un dossier, qu’il ouvre devant le Maître.
« Les Liktalzzz envahissent chaque Terre, chaque monde alternatif. Vous bénéficiez de quelques portails de téléportation irréguliers dans votre dimension d’origine, l’Anté-Monde. Les forces d’invasion ont besoin de vortex importants, mais des créatures frêles comme toi peuvent se transporter par quelques passages de faible importance. Vous profitez de votre présence pour créer de tels établissements, pour recueillir les Liktalzzz infiltrés, les soldats de passage, et pour tourmenter, corrompre des humains utiles à votre cause. Je vous ai laissé longuement en paix, préférant me concentrer sur les crises conjoncturelles… et j’en ai oublié la structure même de la menace que vous tous représentez. Cela doit cesser. »

Il laisse glisser sur le toit le dossier, et les dizaines de photographies d’autres Tours dans le monde, pour reprendre sa marche vers le Maître, qui recule jusqu’à sentir le vide sous son pied – il est coincé.
« Je sais tout, Ghj’opm. Je connais les plans de vos chefs, je connais vos prochaines actions, et je ne les accepte pas. Je suis Lord Corlatius et si je n’ai pas commencé cette guerre, soyez sûr que je l’achèverai. »

Un portail de téléportation bordeaux apparaît sur sa droite, et il plonge sa main à l’intérieur. Un autre vortex apparaît juste derrière Ghj’opm, et les doigts de Lord Corlatius s’emparent de sa nuque pour le propulser juste au-dessus du vide ; seule sa poigne le maintient encore dans ce plan d’existence.

« Tu… tu… es hypocrite… tu… tu es… des nôtres… », bredouille Ghj’opm en battant les pieds dans le vide.
« Je fus des vôtres, Ghj’opm. Vous m’avez dépossédé de mon titre, de mon trône, de mon nom et de mon corps. Vous avez fait de moi un esprit, une âme errante obligée de posséder des corps innocents pour survivre. J’ai dû errer, j’ai dû me rabaisser à des actes immondes… mais je suis revenu. J’ai étudié auprès de trois Sherlock Holmes et auprès de l’Empereur Moriarty ; j’ai accompagné la victoire du dernier Khan sur l’Univers ; j’ai protégé l’héritier de l’Empire Romain, et j’ai son armée avec moi ; je suis l’ami du docteur Hine… et de tant d’autres encore.
Je l’ai dit, et je te laisse vivre pour que tu transmettes le message, cher Ghj’opm : je n’ai pas commencé cette guerre, mais il est temps que je la termine. Le Multiverse est sous ma protection… et dis bien à mon neveu que je viendrai bientôt pour lui. »

Ses doigts lâchent prise, et Ghj’opm tombe dans le vide, hurlant à la mort avant d’être happé par un vortex de téléportation qui l’emmène dans sa propre dimension.
Quelques mètres plus haut, Lord Corlatius fixe le vide, silencieux. Les bruits de combat ont cessé : ses alliés l’ont emporté, comme il l’avait prévu. Sur ce monde, sur cette planète où vit son allié Drak Béryl, qui a tenu à l’aider volontairement, il a tenu à montrer à ses ennemis, au peuple dont il faisait partie que la partie était terminée.

Depuis plus de cent années humaines, Lord Corlatius va et vient entre les dimensions, entre les mondes. De corps en corps, modifiés selon ses goûts, il lutte contre les Liktalzzz en solitaire, empêchant des invasions et des massacres, formant des unités de Sphères Unies pour accomplir ses basses œuvres – mais ça ne fonctionne pas.

Les Liktalzzz s’organisent et ont monté un plan trop important pour lui. Il ne peut plus continuer à agir seul, il ne peut plus se cacher derrière sa connaissance de l’ennemi pour apaiser son égo.
Lord Corlatius a besoin d’aide, d’alliés… et il en a.

Il est temps que l’ennemi le sache.
Il est temps que les tambours de guerre sonnent la reprise de l’Anté-Monde.