lundi 9 décembre 2013

Prose : Cyber-Shield - The Fourteenth Study

CYBER-SHIELD

The Fourteenth Study

par Maxime Saint Michel

Le soleil rayonnait sur le monde en ce jour de mai. Le soleil rayonnait sur le monde et plus particulièrement sur l’Angleterre, ce qui gênait la vision d’un jeune homme excentrique, enfermé dans une cabine téléphonique à Leeds. Evidemment, il n’y était pas par plaisir, il n’était pas un homme fou dans une boite mais un sourire malsain parcourait son visage fin alors qu’il parlait. Bien sûr, il ne parlait pas tout seul, il utilisait cette cabine pour sa fonction principale : le téléphone, contrairement à ce qu’on pourrait penser en voyant les différentes photos obscènes recouvrant l’intérieur : 

« Non, je ne suis pas responsable de la bataille de métahumains à Europazia le soir de Noël. Je n’étais pas courant. Et…Budapest ? Un pays comme la Hongrie a le droit d’avoir une capitale ?  » 

Marquant une pause pour écouter la réponse de son interlocuteur, le jeune homme passa sa main dans ses cheveux blonds avant de soupirer. Ce coup de fil – en plus de perturber son emploi du temps plus que chargé – était dénué de tout intérêt. Tout ça l’agaçait. L’ennui l’envahissait et son comportement en pâtissait : ton hautain, tics nerveux comme le mouvement non contrôlé des doigts de la main gauche...Enfin surtout les tics nerveux. Le ton hautain était habituel chez lui. Là, il était juste plus…présent.

« Vous me forcez à vous appeler depuis une cabine téléphonique, monsieur le Président. Je pense que ce n’est pas à moi d’apprendre mon métier. Au revoir, Arthur. »

Sans attendre une quelconque réponse, il raccrocha violemment. De toute façon cet esprit inférieur qui dirigeait les United States of Eurasia depuis plus de vingt ans avait besoin de lui : quoi qu’il pense de ses actions, il ne pouvait pas s’en passer. Mais qui en Europe et ailleurs pouvait se passer du célèbre Jeffrey H., président directeur général d’une des plus grandes compagnies de divertissement que cet univers ait connu ? Peu de gens. Même s’il ne pouvait s’empêcher de se demander comment ils faisaient avant qu’il ne soit là.

Vérifiant d’abord que son long par-dessus marron était bien en place, Jeff ouvrit lentement la porte. Sortant la tête, regardant les autres êtres humains avec dédain et son environnement avec une certaine fascination, il finit par sortir, utilisant sa main pour protéger ses yeux noirs du soleil. Alors que tous les passants l’observaient remplis d’admirations ou le dévisageaient haineux, il constata une chose intéressante : il était le seul à être…seul. La solitude était sa compagne depuis sa naissance, il l’avait choisie, parce qu’il était plus brillant que les autres, car les attaches sentimentales empêchaient de faire certains choix, certains sacrifices, parce qu’il était persuadé qu’être en groupe le rendait faible et qu’il n’était par conséquent définitivement pas fait pour travailler en équipe. Et il était heureux de cette situation

Le générique d’une série anglaise. Une rapide fouille dans la poche droite de sa veste. Un regard sur son BananaPhone – la seule technologie non-issue de son entreprise de divertissement qu’il possédait, car il considérait la concurrence meilleure dans le domaine des smartphones. Un message lui demandant de rejoindre un vieil ami dans un bar au nord de Leeds. 
Oui, parfois il lui arrivait de changer ses habitudes. C’était un des problèmes auquel il était confronté depuis son arrivée ici.

Quelques minutes plus tard, il était arrivé au 221 Bee et s’asseyait devant un être étrange recouvert par un sweat-shirt à capuche bleu foncé. Les deux personnages ne se serrèrent pas la main. Ils n’avaient pas besoin de ces coutumes de politesse humaines qui les dépassaient. Un profond respect mutuel les liait de par leurs origines respectives, ainsi que leurs différents exploits, en commun ou pas. Avant qu’un quelconque silence n’ait le temps de s’installer et remarquant que l’autre avait une tasse de thé devant lui, Jeffrey fit un signe à une serveuse.

« Un verre d’eau.
- T’es anglais et tu respectes pas l’heure du thé ? Nan mais, à l’eau quoi.

Cette pointe d’ironie posait le ton de la discussion qui allait suivre. Le jeune PDG attendit que la serveuse  lui ait apporté sa boisson pour lui adresser un sourire forcé à défaut d’un « merci » avant de répondre :

- Je n’ai jamais aimé le thé. Et ils ne servent pas de café. Mais je suppose que tu n’es pas venu ici pour parler de mes habitudes alimentaires – surtout que contrairement aux héros américains, je ne souffre d’aucun problème d’alcoolisme. Enfin je  l’espère pour toi vu la distance que tu as parcouru. D’ailleurs, tu es venu comment ? En avion ? En bateau ?
- A la nage.

L’homme but une gorgée d’eau et émit un léger rictus.

- Je ne sais jamais si tu plaisantes ou pas, quand tu dis ça. Et je crois que je ne préfère pas le savoir.  Toujours est-il que je ne sais pas pourquoi tu es là.
- Je ne pouvais pas juste avoir envie de te rendre visite ?
- Non. Personne n’a envie de me rendre visite. 
- Tu as raison. J’ai des informations sur ce que tu recherches. Et vu tes liens avec notre fondateur, j’ai préféré te les donner moi-même. »

L’encapuchonné sortit une clé USB de sa poche et la posa sur la table avant de saisir sa tasse. En à peine une dizaine de secondes, il avait tout bu. Les yeux noirs du britannique étaient remplis de gratitude. Pour la première fois depuis des mois,  toute trace de mépris avait disparu de son visage. Se levant, il prit le « cadeau » de son ami.

« Merci Squall. On se voit lundi à l’entrainement ?
- Il faudra attendre Forgotten Generation 3.
- Quoi ? 
- Blague du scénariste. On peut pas comprendre. »

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La pièce aux murs violets, tapissés d’écran de télévision, et où résonnait en boucle Golden Brown des Stranglers, dans laquelle errait Jeffrey H. était un genre de laboratoire où il aimait passer son temps libre. C’était un peu son refuge lorsqu’il voulait s’éloigner de tout ou qu’il avait besoin de mener des recherches poussées. Il le considérait comme son second bureau, celui qu’il  utilisait pour son vrai métier, quand il n’était pas président directeur général. Mais cet endroit avait un nom, c’était…

« L’Enclave de Vérité…sent quand même un peu le vomi…et l’urine. Note à moi-même : le nettoyer. Ou demander à la secrétaire, si je trouve une secrétaire. »

Le britannique parlait tout seul en allant s’asseoir face à l’ordinateur qui dirigeait tous les écrans pour y enfoncer lentement la clé USB que lu avait confié Squall. Il n’avait pas encore de secrétaire ou de jolie assistante et n’en aurait sans doute jamais, pas plus qu’une intelligence artificielle utilisée comme un major d’homme. Autant dire qu’il n’avait rien ce serait plus simple. Le problème, si on pouvait appeler ça un problème, c’est qu’il n’était pas le fils d’un milliardaire, même s’il était extrêmement fier de ses ancêtres, des gens brillants. Presque autant que lui. En effet, à part son cerveau, tout ce qu’il possédait, il l’avait volé ou le devait à des gens qu’il n’appréciait en aucun cas. Le jour où il choisirait de tout abandonner, ce serait aussi matériel. Son entreprise de divertissement, cette base…on lui reprendrait tout. Mais il n’en avait que faire, tant qu’il conservait ses capacités cognitives et son libre-arbitre. Cette cage dorée qu’était sa vie actuelle ne l’intéressait pas. Tout ce qu’il désirait, c’était le pouvoir.

« Il aurait pu faire un effort et compresser les fichiers. Le téléchargement est affreusement long. »

Tapotant sur son bureau, au rythme de la musique pour se donner l’impression que le temps passait plus vite, Jeff regardait les écrans recouvrant la pièce, fasciné. Tous montraient des versions alternatives de lui-même : ce qu’il aurait dû être, ce qu’il pourrait être, ce qu’il…devrait être. Attiré quelques secondes par ce lui aussi héroïque que pragmatique qui se remettait d’un cataclysme qu’il avait empêché en s’alliant à d’autres héros, son regard se tourna vers son idole : l’Imperios, qui avançait seul dans un vaisseau spatial, volant au-dessus de planètes dévastées constituant son domaine. Evidemment, c’était assez paradoxal qu’un éventuel lui futur soit son idole et il aurait pu s’étendre sur cette réflexion tout en continuant de chercher des « Luis » plus impressionnant encore, s’il n’avait pas été sorti de ses pensées par un « BIIIIP ».

« Même pas de voix robotique pour me dire « TELECHARGEMENT TERMINE » ? »

Cynique, il sourit cependant en voyant les données qu’il avait récupérées s’afficher sur le moniteur de l’ordinateur. En à peine une minute, ses vêtements avaient été remplacés par une armure cybernétique recouvrant intégralement sa peau. Un jour, il serait peut-être un véritable héros, un empereur intergalactique, ou bien juste un détective consultant. Mais pour l’instant il était Cyber-Shield, l’homme qui avait un plan. Le Plan.

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