SENTINEL
Men of Layton
par Maxime Saint Michel et Edwin Boyer
Base d’A.C.T.I.O.N numéro quatorze, lieu tenu secret.
Il ne comprenait toujours pas pourquoi il avait accepté mais il était là, caché au milieu des soldats de cette organisation gouvernementale qu’il haïssait plus que tout. Au-delà de la peur d’être reconnu par quelqu’un qu’il ne connaissait que trop bien, son esprit était préoccupé par une pensée : il avait extrêmement chaud. Mais il ne fallait pas non plus être très intelligent pour s’enfermer dans une salle avec une centaine de personnes en uniforme quelques jours après la fin de l’été. Cela étant, on ne lui avait pas tellement laissé le choix, c’était un des inconvénients à être le meilleur dans son domaine, et son domaine c’était la déduction.
Il était Dark Crow, le sombre héros des Justice Allies, l’homme le plus qualifié selon M et selon toutes les autorités compétentes pour analyser la situation et déduire ce qu’il fallait faire de Lui.
Lui, c’était cet homme – enfin si on pouvait encore le considérer en tant que tel – observé par ce petit rassemblement d’agents à travers une vitre teintée, qui se tenait au-dessus de corps inertes, dont la cape blanche aurait flotté dans le vent, s’il y avait eu une quelconque climatisation dans cette base. Cet homme dont le S symbolique sur la poitrine faisait trembler les criminels, rêver les enfants et fascinait les Héros.
« Alors, qu’en pensez-vous ?
La voix semblait avoir surgi de nulle part, et pourtant un homme se tenait à quelques centimètres de Dark Crow, l’air inquiet.
- Pour l’instant M, je pense surtout que vous auriez dû rester agent au lieu de vous assoir derrière un bureau et de consulter des gens comme moi. Vous seriez bien plus efficaces que la plupart de vos employés. Pour le reste, je me contente d’être spectateur. »
Et autant dire que le spectacle était divertissant. Il n’avait pas fallu beaucoup de temps à l’observé pour mettre au sol une quantité impressionnante de robots, ce qui n’avait finalement rien de surprenant, c’était presque comme un tic scénaristique. En effet, chaque machine avait le pouvoir d’un des super-héros faisant régner l’ordre aux Etats-Unis depuis quelques années, ces Justice Allies. Il avait déjà mis à terre la plupart des membres « vivants », alors vaincre des versions d’eux-mêmes dépourvus de libre-arbitre n’était qu’une formalité. Et il se retenait, ça se voyait.
« Monsieur Kir…Sentinel ? Nous allons faire rentrer un dernier combattant et nos tests seront finis. »
Sur ces mots, M se tourna vers Dark Crow, un léger sourire aux lèvres.
« Celui-là devrait vous plaire. »
Un dernier androïde pénétra dans la salle. Le corbeau ne put s’empêcher de sourire. Pas parce qu’il était narcissique, égocentrique et que de voir un reflet de lui-même le rendait heureux, mais tout simplement parce qu’il ne comprenait pas l’intérêt qu’A.C.T.I.O.N avait d’avoir un robot à son effigie. Il n’avait pas de pouvoir, que pouvaient-ils copier, à part un costume noir et une longue cape ? Le comportement ? Non, c’était ridicule, ils ne le connaissaient pas suffisamment pour calquer entièrement son esprit, mais dans tous les cas cette chose pourrait s’avérer pratique, si jamais il décidait de quitter les Justice Allies. Ce serait un remplacement symbolique. Il devait absolument la détruire. A moins que quelqu’un ne s’en charge avant lui.
L’homme que M avait désigné sous le nom de Sentinel avait attendu que le robot s’approche de lui pour lui pour lui donner un coup de poing. Alors que le métal résonnait, il ne pouvait pas s’empêcher de penser à ce qui s’était passé, ces soixante-dix dernières années, pendant qu’il était…absent. Ce qu’on lui avait rapidement expliqué comme la destruction de ces deux – non, trois – tours et la mort de tous ces gens l’avait traumatisé. Gagner la guerre, était une chose bien moindre comparée à ce qui a suivi. Et s’il était resté, est-ce que ça ce serait passé de la même façon ? Aurait-il pu les sauver ? Le plus honnêtement possible, il n’en savait rien. Mais, il était sûr d’une chose : maintenant qu’il était revenu, il ne laisserait plus de tels évènements se produire. Il était Sentinel, le plus grand héros de la Terre, un exemple pour les enfants, il n’échouait jamais. Il n’en n’avait pas le droit.
Au fur et à mesure que les coups pleuvaient sur la machine, d’autres questions, d’un ordre moins moral venaient le perturber. Qu’étaient devenus ses amis de l’époque ? La plupart étaient sans doutes morts, c’est une chose qui arrive souvent aux gens qui n’entrent pas en hibernation dans l’espace pendant plus d’un demi-siècle. Ca l’attristait. Et il donnerait n’importe quoi pour revoir cette femme, si parfaite qui l’aimait et qu’il aimait avant sa disparition. Mais il avait peur de la façon dont elle avait pu changer. Et il avait oublié son nom, comme si quelque chose l’empêchait de se souvenir de…
Un bruit de circuit grillé. Mais ce n’est pas tout. Son ouïe, plus développé que la moyenne a également était capable d’entendre un avalement de salive. Ce qui était compréhensible. Sentinel n’était pas conscient de la présence de Dark Crow dans la salle, mais s’il l’avait su, il se serait douté que de voir une copie de soi-même étendue sur le sol au bout d’une minute de combat, ça devait faire un choc.
Ce qui était assez fascinant en revanche, du point de vue qu’était celui du héros sombre, c’était que son homologue de la Seconde Guerre Mondiale avait vaincu tous les adversaires qui lui avaient été opposé, sans jamais, à aucun moment frapper pour tuer. Comment avait-on pu gagner une guerre avec autant de pacifisme ? Ces combats devraient servir de leçons à la plupart de ses confrères actuels.
Kirk inspirait, expirait. Enfin cet entrainement était fini, il allait pouvoir quitter cette maudite base et choisir sa nouvelle vie. En supposant qu’il soit capable de s’adapter à ce nouveau monde étrange, qui avait pourtant été le sien. Mais le répit fut de courte durée, lorsqu’un autre cyborg, un peu plus perfectionné que les précédents pénétra dans la salle d’entrainement.
« M, on n’avait pas dit que c’était fini ? »
La surprise de l’homme était encore plus grande à la fin de sa phrase. Il avait eu le temps de se rendre compte que l’androïde qui se tenait devant lui portait – comment dit-on ça de façon condescendante au vingt-et-unième siècle ? – une version daltonienne de son costume.
« Porter du vert et du violet, tu sais que c’est complètement dépassé ? Ca date du siècle dernier. Et j’en sais quelque chose. »
Sur ces mots, Sentinel donna un coup de poing…dans le vide. Sans qu’il ne comprenne comment ni pourquoi, l’être artificiel était arrivé derrière lui afin de lui rendre son coup. En visant correctement. Le héros était à terre. Une seconde attaque. Il avait été projeté contre un mur. Pour la première fois depuis le début de cette série de combats absurdes, il saignait. Et pour aller plus loin, pour la première fois depuis le début de cette série de combats absurdes, il avait été touché par une de ces machines stupides.
Paradoxalement, il ne ressentait pas une réelle douleur, mais la blessure sur son corps semblait s’être répandue jusque dans son ego. Tentant à nouveau une attaque, il fut paré, plaqué au sol et roué de coups. Alors, c’était ça le plan de M ? Envoyer des soldats de secondes zones pour mettre son adversaire en confiance et dégainer l’artillerie lourde par la suite ? C’était une stratégie honteuse, même si elle avait le mérite de fonctionner.
Allongé, tentant d’esquiver les poings du cyborg, Sentinel put remarquer un C sur la poitrine de son ennemi. Rien de surprenant, ils ne pouvaient pas non plus utiliser toute sa symbolique. Il cherchait à se concentrer sur cette image, pour garder son calme, mais il sentait que lentement il perdait le contrôle, sans savoir précisément ce qui se passait. Etait-il en train de s’évanouir ? Allait-il revivre sa disparition, subir une mort à long terme ? Non. Il ne le voulait pas, il ne le pouvait pas. Cette absence mentale, ce rassemblement de Rien, c’était…traumatisant. Au point qu’il ne le souhaiterait même pas à son pire ennemi.
Et pourtant, peu à peu, le noir l’envahissait, une nouvelle Absence commençait, sans qu’il ne puisse rien faire, à part vainement essayer de résister en poussant des gémissements qu’on pourrait apparenter à des cris de douleurs, tout en agitant ses bras, pour repousser le robot, sans résultat. Le retour du Héros avait été rapide, il s’apprêtait à disparaitre aussi vite qu’il était arrivé, dans une honte incommensurable. C’était fini…
En à peine un instant, il n’y avait plus de lumières, plus de bruits, même plus d’odeurs. Il ne restait plus que le vide, sans aucune pensée. Il ne restait plus que le néant.
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Une vision brouillée. Des mains tremblantes tenant difficilement des…morceaux métalliques. Kirk arrivait à distinguer des soldats et des armes pointées sur lui mais ne comprenait pas encore ce qui venait de se passer. Il ressentait une certaine douleur dans l’ensemble de son corps, comme s’il venait de se réveiller après avoir vidé une dizaine de bouteilles de whisky avec ses camarades soldats, à l’époque de la Seconde Guerre Mondiale, dans son autre vie, celle qui ne ressemblait désormais plus qu’à un rêve.
« Qu’est-ce que vous…m’avez fait faire ? »
Alors que le brouillard devant ses yeux commençait à se dissiper, Sentinel se rendait compte que dans ses bras se trouvait le cadavre du dernier cyborg qui l’avait attaqué. Techniquement parlant, ce n’était pas un être vivant, mais il l’avait tué et c‘était tout ce qui l’importait. Il avait pris une vie et il ne s’en était même pas rendu compte, l’espace de quelques minutes il avait complètement perdu le contrôle.
« QU’EST-CE QUE VOUS M’AVEZ FAIT FAIRE ?! »
La rage du Héros grandissait, les soldats tremblaient mais M et Dark Crow s’interposèrent. Ce n’était pas un vieillard qui allait effrayer le protecteur de Twilight City. Il allait devoir apprendre à contrôler ses pulsions s’il voulait s’intégrer pleinement dans ce nouveau monde, au sein des Justice Allies.
« Ce n’est pas nous. Nous n’avons pas envoyé cet androïde. A.C.T.I.O.N a été piraté. Et vous avez un message. fit froidement le Corbeau en désignant un écran à sa droite. »
FELICITATIONS, SIR SENTINEL. DINONS ENSEMBLE.
C.S.
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