mercredi 10 avril 2019

Prose : Black Terror - Anaheim, USA - 16 juillet 1955 : L'enlèvement




Anaheim, U.S.A. – 16 juillet 1955 : l’enlèvement 

par Ben Wawe 

« Lai… laissez-moi tranquille… », murmure l’homme. Apeuré et perdu, il tente de comprendre ce qu’il se passe, alors qu’il vient de se réveiller en sursaut ; sa vision est floue, tout est sombre. Mais un coup s’abat violemment sur son crâne, comme seule réponse, et vient impacter douloureusement sa joue. Il halète sous le choc – puis tressaille, en se rendant compte qu’il ne voit rien.
L’obscurité la plus complète ; les ténèbres, les plus absolues. La peur l’étreint… terrible, entêtante, étouffante, agressive.
La peur du noir. Un relent de l’enfance, de cette enfance à laquelle il tient tant et qu’il veut servir – mais dont il aurait bien évacué cet aspect.
« La ferme », réplique une voix lourde et brutale, appartenant à celui qui le soulève en glissant des mains massives sous ses aisselles. L’homme tente bien de bouger, de se défendre, mais il en est empêché par des cordes, qui enserrent poignets et chevilles ; il ne peut pas grand-chose.
« Mais… mais je… j’ai… », tente-t-il encore, en essayant de bouger pour se défaire de ce qu’il sent être un sac, sur son crâne. Son tissu sec et rêche se colle de plus en plus à sa peau. S’il pouvait réfléchir posément, il se dirait qu’il transpire, qu’il respire mal, et c’est pour cela que le sac se rapproche et l’étouffe ; mais il ne peut pas raisonner, là – il panique. « Laissez… LAISSEZ-MOI ! », hurle-t-il aussi fort que possible.
« Braillard, va. Ferme-la ! », répond son geôlier, à l’accent vulgaire et familier. Ce dernier le fait lourdement tomber, face contre terre. Le choc est rude, mais moins que celui provoqué par un coup violent dans ses reins, qui le fait geindre de douleur. Se recroquevillant sur lui-même, l’homme tente de faire face et de supporter la souffrance – mais sa respiration haletante, sa peur et le reste sont de trop ; il craque.
Des larmes envahissent ses yeux, des gloussements faibles s’échappent de ses lèvres, et son corps entier est secoué de spasmes. Il a peur, il a peur de mourir, d’être encore frappé, de finir ici – il a peur de ne pouvoir finir ce qu’il a commencé, de ne pouvoir ouvrir ce parc qui compte tant pour lui.
Il panique, il craque, et il a mal : cocktail infernal pour un preneur d’otage, déjà lassé par la situation.
« Put… mais qu’est-ce que tu fous ? », lance une autre voix, une deuxième voix ; un deuxième kidnappeur, a priori, apparemment surpris, mais qui dispose d’un ton plus distingué. « Tu devais l’endormir avec du chloroforme, bon sang ! »
« Ca a pas marché », réplique sobrement le premier enleveur. A ses côtés, l’homme lutte contre les larmes ; hors de question de les leur offrir. Il ne donne rien pour rien, jamais.
« Pas possible, crétin ! La dose était énorme ! Qu’est-ce que t’as fichu ? », lance, agressivement, le nouveau venu, dont la voix se rapproche.
« Ouais, ouais, ben… ben j’l’ai oublié, voilà ! », répond le premier, crispé.
« Mais… mais bon sang ! Ca devait être facile ! On l’enlève, on demande une prime, on le rend ! Il s’en serait même pas rendu compte ! T’as tout fait foirer ! », hurle le second, incapable de retenir sa frustration.
« Ouais, ben… ben on peut encore, et… euh… », tente le premier, qui réalise sa bourde.
« Mais non ! Il t’entend ! Il nous entend ! Il t’a peut-être vu ! Tout est fichu ! », conclue le second, en brassant de l’air comme s’il tournait encore et encore autour de la victime, qui tente quelques exercices de respiration ; ils ne fonctionnent pas.
« Ouais, ben… ben… », murmure le premier, dont la voix s’étouffe elle-même, comme un enfant pris la main dans le pot de confiture.
« Imbécile ! Le plan était parfait ! On allait… »
KLANG
« Bon sang, qu’est-ce que c’est ? », interroge le second, interrompu en pleine frustration.
« Ben… ben… », tente encore le premier, toujours troublé.
« Va voir ! Va voir, et rends-toi utile ! », ordonne le second – qui se fait obéir. Si l’homme enlevé ne peut toujours rien voir, il sent les mouvements autour de lui, dont les pas du kidnappeur qui claquent sur le sol ; ses sens reviennent, a priori. Ses sens, et son esprit.
Il commence à se souvenir, même si les images sont floues. Il était… chez lui. Non. A l’hôtel. Il était à l’hôtel. Il prenait un drink, dehors ; seul. Il méditait. Il rêvassait, en répétant encore son discours. Il préparait l’allocution du lendemain, la présentation, l’ouverture. Il vérifiait ses notes, pour que ça se passe au mieux. Surtout, il griffonnait en profitant du drink. Toujours le même dessin, bien sûr ; une vieille habitude. La souris ne le quittera jamais, et il aime la retrouver durant ses temps de solitude. Et… et…
Et il a été pris ; agressé. Une forme immense, massive, comme un boxeur – mais un des bas-fonds, une brute vicieuse et sadique. Des coups ont été portés, il a été projeté au sol, passé à tabac… puis, plus rien.
Plus rien, jusqu’à ce qu’il se réveille, et tente de s’échapper ; jusqu’ici.
Revenu à ses sens, plus conscient, plus intelligent aussi, l’homme décide de ne pas bouger, cette fois-ci ; de ne rien tenter. Il demeure sur son flanc, recroquevillé, en haletant moins difficilement qu’avant. Il tente d’en savoir plus, de comprendre ce qu’il se passe – mais il ne voit rien, toujours.
Tout juste peut-il compter sur ses autres sens. Le toucher, qui lui permet de sentir le béton, sous sa peau et ses mains ; du béton dur, brut, comme le sol d’un hangar. Une hypothèse qui se confirme, car son odorat lui révèle un relent fort, puissant, désagréable ; de l’essence, de l’essence pure. Et l’ouïe, bien sûr, l’ultime source d’informations, qui lui a permis d’entendre les échanges entre les deux kidnappeurs – et d’entendre la suite, maintenant.
« Mais qu’est-ce que… »
KAPOW
Un choc, brutal, vient interrompre le second kidnappeur, le truand. Mais, alors que la victime peut entendre un autre bruit, celui d’un impact contre ce qui pourrait être un mur, puis des objets qui tombent, il comprend – il comprend que ce premier choc est différent des autres ; plus sourd, plus lourd, plus… familier.
C’est un coup ; ce premier choc fut un coup. Porté contre le truand.
« Hey… HEY ! », hurle l’homme enlevé, en bandant ses muscles et en s’emparant d’une bouffée de courage. « HEY, AIDEZ-MOI ! »
« La… la ferme ! », réplique une voix qu’il connaît : celle de la brute qui l’a agressé lors du drink. Il frissonne en se remémorant les coups portés.
« Pas très poli, ça », lâche soudain une autre voix – une troisième, plus forte, plus intense, plus sûre ; plus jeune, aussi.
Mais, alors que la victime se préparait à subir de nouveaux coups, ou à entendre de nouveau quelques répliques… plus rien. Plus aucun bruit.

Alors qu’il demeure dans l’obscurité, que la peur du noir demeure, il pourrait paniquer – s’il ne sentait pas du mouvement, autour de lui. Il a l’impression de nombreuses bourrasques, de nombreux déplacements autour de lui… et, soudain, les bruits reviennent ; et confirment ce qu’il pensait.


BIM

KAPOW

ZLAM 

Et bien d’autres, encore, même si son ouïe semble dépassée. Il halète encore, frissonne sous ce masque, mais tente de se redresser – de se relever. Profiter de l’événement, fuir.
Cependant, alors qu’il semble sur le point de réussir, de se remettre, il sent… quelque chose ; sur son épaule. Une présence. Une poigne. Une main.
Amie ou ennemie ?
Il n’a guère le temps de se poser la question – car son visage est, soudain, agressé d’une manière abominablement brutale ; mais merveilleusement réjouissante.
La lumière.
Son masque est arraché, ses yeux échappent à l’obscurité, et ses paupières battent pendant plusieurs instants, sous le choc ; mais, si douleur il y a, elle est agréable – et il en vient à soupirer, de soulagement, en entendant la fameuse troisième voix.
« C’est terminé, Monsieur », glisse celui qu’il a pensé être l’agresseur du truand et de la brute ; son sauveur. Sa vision retrouvée le lui confirme, même s’il ne tarde pas à en être stupéfait.
« Mais… mais vous êtes… », murmure l’homme enlevé en voyant mieux, entre le flou et les effets trop clairs. Il découvre la silhouette de celui qui l’aide à se relever et défait ses liens, en des gestes bien simples et rapides.
« Je suis ici pour vous aider, Monsieur », répond l’autre doucement, en formant un sourire simple. Lentement, la victime peut le détailler, et confirmer son sentiment ; c’est bien lui.
Il a toujours ce costume d’un noir profond, qu’on retrouve tant sur son masque, un loup, et la combinaison, mais aussi sur les bottes, les gants et le caleçon long, même si les rebords de ceux-ci sont soulignés par un léger liseré jaune. Une ceinture et un tour de cou dorés prolongent l’allure, tandis qu’une cape bleue en extérieur, rouge en intérieur complète la vision qui s’offre à lui. Avec, évidemment, ce symbole blanc sur le torse, une tête de mort surmontant deux os en croix.
C’est bien lui, oui : Black Terror.
Héros de New York et de la Guerre depuis quatorze ans déjà, depuis les premières unes de 1941. Capable de soulever des tanks, de battre les sprinteurs à la course, de résister aux balles ; le top de la condition physique humaine, et au-delà. Mais sa présence ici choque l’homme enlevé, elle le heurte, le choque, parce que…
« Vous… vous êtes mort ! », ne peut-il s’empêcher de glisser, alors qu’il réussit à tenir droit sur ses jambes, et n’en est pas peu fier.
« Ne croyez jamais les journaux, Monsieur », répond avec un sourire presque amusé son sauveur. « Ceux-ci le pensaient aussi, et voyez où ils en sont. »
Voyant le héros désigné une zone avec son index, l’homme se retourne – et découvre ce dont il parle ; ceux dont il parle.
Un homme, fin et aux vêtements distingués, inconscient au milieu de pièces de moteur, dérangées sur des étagères écroulées – le truand. Un autre, patibulaire et mauvais, allongé au sol, le visage en sang – la brute.
« Ils… ils… », commence-t-il en se crispant en les découvrant enfin de visu.
« Ils vous ont enlevé, en effet, et se préparaient à demander une rançon à votre frère Roy, Monsieur. J’ai eu vent de leur plan, et suis intervenu à temps », répond Black Terror avec une voix égale, serein.
« Mais… comment… », interroge-t-il en bégayant.
« J’ai mes sources, Monsieur. Ce n’est pas à vous que je vais rappeler qu’un magicien doit conserver le secret de ses tours, n’est-ce pas ? Mais je crois que le temps du départ est venu, Monsieur », avance le héros en levant ses yeux. L’homme fait de même, et découvre qu’ils sont bien dans un hangar… d’hélicoptères, en fait. Et le toit est ouvert.
« Le… le départ ? », interroge-t-il en n’étant pas en état de comprendre.
« Vous avez été enlevé en fin de soirée, Monsieur, et le jour va se lever. Vous êtes attendu pour une certaine inauguration – et je ne saurais accepter que les enfants soient déçus par l’événement », réplique Black Terror en glissant un bras musclé sous les aisselles de l’enlevé.
Celui-ci ne ressent pas, cette fois-ci, la moindre crainte. Le soulagement demeure… même s’il s’efface rapidement, quand le héros utilise ses pouvoirs pour les ramener à bon port !
Il le dépose en quelques instants à son hôtel, vers ses proches qui l’attendaient. Bien entendu, Black Terror ne reste pas, et n’est plus vu dès qu’il a laissé l’homme à ses amis et ses assistants. Il a beau le chercher, demander à ce qu’on le retrouve… rien n’y fait.
Black Terror a disparu – et le programme de la journée reprend, malgré les perturbations.
Comme le héros l’a dit, une inauguration est annoncée, et les enfants en attendent beaucoup. Même enlevé, même maltraité, il refuse de les décevoir, ou de changer ce fameux programme.
Aujourd’hui, en ce 17 juillet 1955, il a été sauvé par Black Terror alors qu’on le croyait disparu – et il saura s’en souvenir ! Aujourd’hui, il va réaliser son rêve, transformer sa vie, ouvrir son parc et offrir un peu de joie aux enfants.

Et ce ne sont définitivement pas deux idiots avides d’argent, incapables de s’organiser, qui vont l’en empêcher… ou alors, il ne s’appelle plus Walter Elias Disney !

Black Terror par Yannick Potier



 *** 

Plus tard.
Plus tard, à Anaheim, le parc Disneyland est inauguré par Walt Disney, qui réalise ainsi un de ses souhaits, et enclenche une nouvelle étape dans sa quête de divertissement. L’émission Dateline : Disneyland est un succès extraordinaire sur la chaîne ABC, et l’ouverture au public le lendemain est une réussite totale.
Tous les invités sont repartis ravis et enchantés de l’événement, mais aussi de l’émotion dégagée par Walt lui-même, qui a semblé encore plus humain, encore plus avide de profiter de l’instant et de faire plaisir aux autres.
Et, parmi ces invités, un jeune homme s’efface en esquissant un léger sourire ; mission accomplie, pense Tim Roland. Ce dernier fut jadis l’assistant du premier Black Terror et entend désormais prendre sa place, laissée hélas vacante par sa disparition.

Que tremblent les criminels, que les victimes se reprennent, que les faibles se réjouissent : la vague Noire de la Terreur, qui s’oppose au Mal, ne s’est pas arrêtée… elle a pris une pause, mais repart, et ne s’arrêtera pas avant d’avoir redressé tous les torts !

 *** 

Black Terror par Florian R. Guillon


Black Terror est un personnage de comics, créé en janvier 1941 par Richard E. Hughes et Don Gabrielson, dans les pages d’Exciting Comics #9, publié par Nedor Comics. 

Libre de droits, réutilisé par plusieurs éditeurs au fil de son histoire, il est désormais repris par l’auteur Ben Wawe chez l’éditeur Arcadia Graphic Studio, dans les pages de Forgotten Generation, via des traductions des comics originaux, des nouvelles illustrées et des bandes dessinées.


La vague Noire de la Terreur contre le Mal se soulève à nouveau – ne la manquez pas !

mercredi 3 avril 2019

Arcadia se dédouble les 6 et 7 avril !

Eh oui, pour la première fois dans l'histoire de l'association, Arcadia Graphic Studio sera à deux endroits en même temps ! Non, le Big Boss n'a pas acquis le don d'ubiquité, mais c'est juste que deux festivals tombent à la même dans deux coins différents de l'hexagone (et je ne parle pas du groupe de super-héros de chez Hexagon Comics).

Commençons avec le festival Made In Comics, un festival 100% comics dont c'est la première édition, où notre rédac'chef Maxime Saint Michel fera son grand retour festivalesque, avec toute la production Arcadia disponible. C'est à Lambres Lez Douai, dans le Nord, et toutes les infos sont là.






Et si jamais vous n'êtes pas dans le Nord/les Hauts-de-France, ou si vous voulez vous faire deux festivals dans le même week-end, Florian R. Guillon sera aux Geek Days de Mirebeau, une convention regroupant les différents univers geeks qui connaît sa deuxième édition après une première très réussie. Et pareil, il y a aura toute la production Arcadia possible. Toutes les infos ici.

Avis à ceux qui hésiteraient encore : chacun des deux aura les derniers exemplaires de Forgotten Generation (volume 2) 1, un numéro qui a su se faire une place auprès des nouveaux lecteurs comme des anciens. Nous ne sommes pas sûrs de pouvoir faire une réimpression à court terme, donc si vous ne l'avez pas encore, n'hésitez plus !

Et pour les amateurs d'objets collectors : Maxime et Florian auront chacun une collection de prints A5 à la vente... mais les modèles ne seront pas les mêmes !

Nous vous attendons donc les 6 et 7 avril !