Chapitre 1 : La Mort dans la Peau.
Europazia, 10h31.
Deux jeunes hommes avançaient dans une des rues d’Europazia, capitale des United States of Eurasia depuis 1991, l’architecture était à mi-chemin entre l’européenne et l’asiatique et des affiches faisant la publicité de divers manga ou séries françaises ornaient les murs. L’un d’entre eux était de taille moyenne aux origines japonaises et avec des petites lunettes dissimulant en partie ses yeux.
Drak Béryl en civil par Benjamin "BIG BANG" Costanza.
L’autre était brun, aux origines purement européennes et aux yeux marron. Le premier portait un T-shirt avec une cabine bleue téléphonique et le second avait une chemise rouge clair. Tout en avançant vers la Grand’Place, ils parlaient :
« T’es sûr que c’est une bonne idée, Seb ? demanda l’asiatique.
- - Evidemment, Ryu. T’as besoin de sortir, de rencontrer des filles !
-- - J’n’en suis pas aussi convaincu que toi. En plus tu sais pas jouer les entremetteurs correctement.
- Tu changeras d’avis assez vite. »
Ryumaru Nogard et Sébastien Olmes, amis depuis l’enfance : ils se disaient tout, sauf ce qu’ils voulaient cacher. Et le jeune homme aux origines asiatiques en avait plusieurs des choses à cacher, beaucoup de raisons pour lesquelles il ne voulait pas rencontrer de filles – entre autres. C’était d’ailleurs pour ces mêmes raisons qu’il était très hésitant sur le fait de faire une collocation avec son ami, ce qui l’arrangerait pourtant d’un point de vue financier et ce qui lui éviterait de se parler tout seul trop souvent.
Ils continuèrent – tout en avançant - de parler, de tout, de rien, enchaînant les jeux de mots histoire de détendre l’atmosphère un peu tendue étant donné que notre héros était là par dépit, parce qu’on l’y avait forcé et non pas par choix. Quand enfin ils arrivèrent devant cette grande brune aux yeux bleus et aux formes plutôt avantageuses qui les attendait à côté du Beffroi, cette tour plus grande qu’un gratte-ciel qui portait fièrement les drapeaux de l’Union Européenne et du Japon., Ryumaru resta littéralement bloqué pendant plus de 30 secondes. Sébastien le regarda avec un sourire narquois et s’éloigna, histoire de les laisser faire les présentations.
« Salut, moi c’est Emeline.
- - Fascinant…
- - Comment ?
- - Euh…Moi c’est Ryumaru mais tu peux m’appeler… tu peux m’appeler comme tu veux en fait. »
La jeune fille rit et le japonais, gêné au départ puis se rendant compte que son humour décalé l’aiderait peut-être sur ce coup continua dans sa lancée. Il restait les yeux rivés sur Emeline, incapable de détourner le regard de cette dernière.
Pendant ce temps Sébastien explorait le Beffroi : selon les médias c’était le repère d’un des plus grands criminels que l’Eurasie ait connu et qui était mort dans d’atroces souffrances. Et après cet évènement, la ville en accord avec le Président Nakamura lui-même avait décidé de le laisser intact et de le rendre accessible au public. C’était le genre d’endroit rempli d’histoire qu’il adorait, lui qui avait toujours eu une passion pour l’Histoire depuis la Révolution Française jusqu’à nos jours sans trop comprendre pourquoi.
Soudain, il vit une sorte d’étrange lumière commencer à briller en plein milieu ce qui servait autrefois de repère au Grand Patron de la pègre eurasienne. Il était le seul à l’avoir repéré, les autres gens n’y firent pas attention, sans doute était-ce en lien avec ce que lui aussi cachait…
Par réflexe il courut jusqu’à la sortie et bondit pour arriver à une dizaine de mètres du monument, prenant au passage Ryumaru dans ses bras.
« Qu’est-ce qui te prend ? C’est pas toi qui a dit que je devais rencontrer des filles ?
- - Ah, merde… »
Dans un bruit sourd et imprévisible comme le tir d’un sniper, une explosion retentit et emporta le monument historique qui était là depuis le début de l’Histoire de l’ancienne Lille. Tous les gens à l’intérieur avaient brûlé et l’explosion avait projeté Emeline contre un mur avec une puissance phénoménale, dépassant l’entendement humain. Son corps était complètement détruit, à la fois brûlé et ensanglanté, pas besoin d’aller à sa rencontre, c’était évident, elle était morte.
Et pourtant, lentement, sa bouche s’ouvrit et une voix, qui n’était pas la sienne, se fit entendre. Alors que le Beffroi était en ruines, ses murs tenant à peine en entourant des foyers intenses de flammes, que des rues entières étaient jonchées par des gravats brûlants, l’impossible se produisait. Devant les yeux du japonais, encore assis sur le sol suite au choc, qui n’avait miraculeusement rien, la morte parlait ; et dire qu’il croyait avoir tout vu.
« Je savais que ça arriverait… je le savais, mais personne ne m’a écouté, murmurait la jeune femme d’une voix rauque et très, trop, masculine.
- E… Emeline ? Tu es…vi… vivante ?! hurlait le jeune Franco-Japonais, qui s’était déjà levé, prêt à l’action.
- C’est vrai que je ne suis pas en forme. Et qu’ils arrivent. »
Le crâne de la jeune femme, pourtant fendu en deux et enflammé, se tourna avec une étonnante douceur vers ce qui restait du Beffroi. La structure avait été brisée, éclatée, et d’immenses tentacules noires commençaient à en sortir pour battre l’air au-dessus de la ruine du bâtiment si célèbre ; et elles grossissaient.
Ryumaru, debout devant Sébastien, allongé, inconscient après son sauvetage éclair, ne pouvait pas bouger. Il était immobilisé, incapable du moindre mouvement alors que les murs du Beffroi, qui avaient résisté à l’explosion, s’effondraient. Quelque… chose essayait de sortir, il le voyait. Quelque chose qui n’avait rien à faire ici.
Quelque chose qui ne devrait pas exister.
Il y avait des tentacules, oui, mais pas uniquement. Outre les vingtaines d’appendices monstrueux, larges de deux mètres environ, long de plusieurs décimètres, des ballons d’émeraude sombre s’échappaient de l’intérieur du Beffroi. Ils explosaient au moindre contact, s’évidant en une sorte de liquide étrange, jaunâtre, qui semblait ronger tout ce qu’il touchait.
De plus, des petites créatures ailées, plus grosses que des chauves-souris, de forme humanoïde, zigzaguaient entre les ballons et les tentacules sombres. Elles fonçaient sur les survivants à l’explosion, et arrachaient membres et crânes d’un seul geste. Le carnage régnait dans le chaos.
Origine : http://mysteres.du.monde.online.fr/mysteres//modules/upload/upload/%21divers/aniaies%201.jpg
Ryumaru ne bougeait toujours pas ; il ne le pouvait tout simplement pas, malgré son entraînement, malgré ses pouvoirs, malgré le costume de Drak Béryl que la transpiration collait à sa peau, sous ses vêtements.
Emeline, cependant, poussa un long soupir, craquant quelques cotes par ce simple geste ; le bruit était terrifiant. Elle tenta de se lever, mais son bras enflammé craqua, suite à la faiblesse de son corps.
En voyant son coude brisé et le sang qui coulait abondamment, la jeune femme s’écroula totalement, son corps retombant lourdement sur l’asphalte salie par l’explosion et le sang ; elle ne bougeait plus, et seul le craquement insupportable de sa peau en train de brûler s’échappait de sa silhouette.
Aussi soudainement qu’elle avait repris la parole, elle s’éteignit, s’échouant sur l’asphalte pathétiquement.
« Je crois que tu dois te pousser, petit, annonça la voix qui s’élevait derrière Ryumaru. Je crois que tout ça te dépasse. »
Instantanément, le jeune homme se retourna et découvrit Sébastien, qui s’était relevé – différent, indubitablement.
Plus droit, plus sûr de lui, une expression nouvelle sur le visage, il n’avait pas grand-chose de son ami, même si c’était toujours le même… c’était toujours son corps, après tout ! L’asiatique recula, instinctivement, alors que les murs du Beffroi s’effondraient définitivement et que les tentacules frappaient les bâtiments aux alentours.
« Seb… Sébastien ? articula-t-il difficilement, les yeux rivés sur son ami qui passait à côté de lui, totalement indifférent.
- Nan, je crois pas, souffla Sébastien avec une assurance et une arrogance qu’il n’avait jamais connu à son futur colocataire. »
Le jeune homme si mystérieux s’avança dans la rue, alors qu’un tentacule avait écroulé un immeuble à quelques mètres de là. Fixant les créatures ailées, les ballons et les horreurs qui s’échappaient du Beffroi, il poussa un long soupir avant de… s’envoler.
Ryumaru recula à nouveau, clignant des yeux pour être sûr de bien voir ; et c’était le cas.
Sesbastien, son ami, dont il connaissait les habitudes et la vie, qui n’avait jamais dévoilé le moindre pouvoir, la moindre spécificité, lévitait désormais. Il fonçait même à une vitesse forte vers les tentacules principaux, zigzaguant entre les ballons et les créatures ailées, qui harcelaient désormais les survivants.
Une des bêtes humanoïdes tenta de le stopper, mais un coup de coude bien placé la fit reculer ; une autre voulut le propulser vers un ballon d’émeraude, mais Sébastien l’évita et envoya ledit ballon vers la créature. Celle-ci fondit sous l’action du liquide étrange, tandis que son futur colocataire fonçait vers le cœur du problème.
Les tentacules s’enfonçaient dans le sol après avoir ravagé des bâtiments, comme si elles tentaient de lever quelque chose qui était engoncé dans le Beffroi. Une sorte d’énorme sphère sombre apparaissait peu à peu, avec un œil immense, monstrueux, totalement inhumain.
Image tirée de THE LOVECRAFT LIBRARY, VOLUME 1: HORROR OUT OF ARKHAM, propriété de IDW Publishing.
Et Sébastien fonçait à l’intérieur.
Pendant de longues minutes, pénibles, Ryumaru, Drak Béryl, faisait face à l’indescriptible. Incapable de bouger, totalement passif, il parvint finalement à sortir de sa léthargie pour aller au devant des problèmes. Ce n’était pas qu’une question de survie ou qu’une question de responsabilités mais une question d’honneur pour un héros aux attitudes de samouraï.
Sans sortir ses armes ou son costume, à l’aide ses seuls poings, il se précipita vers les créatures ailées, qui s’avançaient encore plus vers les rues, vers les habitants de la ville.
Les coups pleuvaient, les hurlements suivaient, les râles de douleur et les jurons fusaient. A d’autres moments, dans d’autres circonstances, il se faisait appeler Drak Béryl. L’homme qui tentait d’être un héros, un protecteur dans son costume orange et vert à d’autres moments avait toutes les peines du monde à avancer, à faire reculer les monstres, mais il s’acharnait.
Il n’avait été que trop passif face à l’étrange Sébastien et à la mort d’Emeline, il ne pouvait pas continuer ainsi ; l’honneur, la dignité lui commandaient d’agir.
Les minutes s’écoulaient, à nouveau, il n’en avait plus conscience. Le sang, la sueur et la folie régnaient en lui et autour de lui, mais tout cessa dans un cri de douleur… inhumain. Totalement inhumain.
Troublé, surpris, comme les créatures et leurs victimes autour de lui, Ryumaru se tourna vers l’ancien Beffroi ; les tentacules reculaient. Les ballons s’effondraient. Et les monstres s’échappaient.
En quelques secondes à peine, tout le chaos disparut, et des ruines du Beffroi s’échappa la maigre silhouette de… Sébastien. Vivant, miraculeusement.
Calme, paisible, il atterrit à quelques mètres de son ami. Sa chemise était déchirée, son jeans recouvert de sang et d’un liquide visqueux, et tout son corps semblait gluant – mais il était en vie. Et son étrange expression, si arrogante, si sûre, toujours là.
Sans rien dire, il s’approcha d’une boutique anonyme près d’eux, piochant sans vergogne dans les rayons avant de sortir pour rejoindre son « ami » ; autour d’eux, les survivants s’enfuyaient, en direction de secours qui arrivaient encore une fois bien trop tard.
Sébastien avait enfilé une nouvelle chemise blanche, passait un long imperméable sombre sur ses épaules et avait positionné sur son crâne un Stetson de bonne allure.
Un petit sourire passa sur son visage alors qu’il craquait sa nuque et ses phalanges, dans un bruit sec. Il ne s’arrêta même pas devant Ryumaru, qui se dépêcha de le rejoindre et de poser sa main sur son épaule, pour l’arrêter.
« Se… Sébastien ! articula-t-il difficilement, pris par l’émotion du combat et la stupeur.
- Non, petit, toujours pas, soupira son ami, qui se tourna vers lui, l’air lassé.
- Mais… mais… qu’est-ce qu’il y a ? Tu… tu voles ?!
- Oui, répondit-il d’une voix posée, comme si rien autour d’eux n’était anormal, comme si une partie de la ville n’avait pas été ravagée, comme si des vies n’avaient pas été volées par l’indescriptible.
- Mais… Séb, tu sais pas voler ! Et t’oserais jamais voler non plus ! Et t’as fais quoi pour faire partir ces…trucs ?!
- C’est vrai… mais je ne suis pas Sébastien. Je ne viens pas de ce monde, petit. Je ne viens pas de cette planète non plus. Je viens d’une autre réalité, d’un autre univers. Ces monstres ne sont pas partis, ils n’ont fait que reculer. Je les connais bien, je suis là pour les stopper. Je viens sauver ta planète, même si elle a l’air d’être la plus pourrie de toutes les Terres que j’ai traversées. Et tu peux m’appeler Lord Corlatius, petit. »
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