vendredi 11 janvier 2013

Drak Béryl Infinite - La Faille de Noël




C’était une belle nuit à Europazia, la capitale des United States of Eurasia, une des villes les plus visitées du monde, réputée pour abriter toutes sortes de bizarreries. Il neigeait dans une obscurité affrontant le clair de Lune, les gens sortaient couverts mais heureux, des enfants dans les bras, hurlant de joie, riant, chantant, car ce soir était le plus important de l’année pour la plupart d’entre eux. Assis sur un toit, un homme observait ce spectacle attendrissant à travers son masque orange et vert, suivant avec la combinaison dont il était affublé, tout en ne lisant qu’en diagonale une page arrachée du journal local : L’Hebdopazia.

« L’étrange Drak Béryl – Véritable héros ou prophétie maya ? La prochaine fois qu’on se moque de mes blagues, je sortirais ce gros titre. Au moins je fais les gros titres. »

En effet, si cet homme – Drak Béryl, puisque c’est ainsi que les médias doutant de son existence l’avaient nommé, sans trop qu’il ne comprenne pourquoi – portait ce costume ridicule, ce n’était pas parce qu’il allait à une fête, parce qu’il était stupide et qu’il voulait attraper froid, ni même parce qu’il devait apporter des cadeaux aux enfants, mais car il cherchait à devenir un héros grâce à son don, sa malédiction, qu’il s’entrainait à maitriser depuis maintenant quatre ans.

Mais il n’avait pas commis une grande quantité d’actes héroïques, il avait surtout empêché des araignées de se faire écraser, suivi discrètement des policiers en patrouille pour stopper un braquage de banque ou fait rire des enfants. Mais ce soir, Drak Béryl n’était pas apte à faire rire. Cette nuit, il n’était qu’un clown triste errant seul sur les toits d’Europazia, en agitant le sabre caché dans sa ceinture. C’était le réveillon de Noël et il allait le passer seul, une année de plus, incapable de se lier à quelqu’un ou de quitter son costume, trop occupé à chasser des ennemis introuvables et à fuir des organisations invisibles qui voudraient l’arrêter. Il se savait paranoïaque mais était cependant persuadé de ne pas avoir complètement tort.

« Qu’est-ce qui se passe, ENCORE ?! »

Serrant son sabre, le presque-héros eut à peine le temps de se retourner pour voir d’où venait la voix sombre et forte avant d’être saisi et plongé dans le vide par une forme humanoïde, étrange, recouverte d’une substance noire, dégoulinante, ressemblant à son propre costume avec une cape rouge et des chaines. Quoique dans le feu de l’action, Drak Béryl avait du mal à clairement comprendre ce à quoi il faisait face. Il avait tout de même pu constater que la créature qui le maintenait était pleine de rage. Tout en tombant, il se posait une question qui aurait dû le perturber avant. Mais trop tard.

Ne pensant qu’à sa vie, il cracha une déflagration sur le visage noir du monstre pour qu’il lâche prise. Cracher du feu grâce à un sabre, une prophétie ancestrale et des essais scientifiques, tel était son don. Finalement, comme le suggérait l’article qu’il avait lu, il se rapprochait du concept de la prophétie maya : tous les types de causes pouvaient être évoqués. Cependant, il estimait tenir plus du dragon que de l’abeille.

Avant de lamentablement s’écraser au sol et de mourir seul, oublié de tous, dans le froid et le désespoir, tel le héros d’un conte de Dickens, il se prépara à planter son sabre dans le sol, afin d’amortir sa chute. Le jeune homme cracheur avait mal. Il fut envahi par la soudaine impression de s’être déchiré un muscle, tout en prenant conscience que son masque l’était également. Son assaillant quant à lui retombait lentement, se servant de sa cape comme parachute, l’air extrêmement menaçant.

« Où suis-je ?! J’étais avec ce taré de Clown, et j’atterris ici. Pour qui tu bosses ? Steum ? 
-          J’ignore de quoi tu parles, je suis Drak Béryl, héros du nouveau Lille. Je connais pas de clown, pas de steum, je me demande juste pourquoi il faut toujours que j’aille me balader sur des toits alors que je sais même pas voler ou tisser des toiles. En plus, je vais devoir changer de costume, alors ça suffit les questions d’un type dont je connais même pas le nom. »

Il y avait dans la voix du samouraï en costume un profond désespoir qu’il tentait de masquer par un égo surdimensionné lui servant de bouclier depuis quelques années. Cet égo était la carapace du héros reptilien, sa façon de gérer la tristesse, les problèmes. Il n’avait vécu que ça, lui, l’orphelin considérant qu’il portait le poids du monde sur ses épaules. Il en aurait encore plus à porter si son masque déchiré s’envolait et que les passants qui avaient arrêté de rire, de chanter, de crier et de courir pour être aux premières loges d’un combat de surhumains, découvraient qu’il était Ryumaru Nogard, le petit franco-japonais un peu geek sur les bords qui venant de s’installer dans un appartement à droite du Beffroi et se rendant tous les jours dans un des lycées les plus prestigieux d’Europe. C’est pour ça qu’il avait lâché son arme, tremblant pour tenir son masque et préserver son identité, conscient que si le combat se poursuivait, il devrait choisir entre ses secrets ou sa vie.

« Je…suis Spawn. »

En prononçant ces mots, l’autre se rapprocha de Drak Béryl d’un pas lourd pour lui tendre une main amicale. Il n’en avait pas l’air et n’avait pas agi en tant que tel mais lui aussi était un héros, tout aussi perdu et déboussolé que l’était le samouraï. Repensant à ce qu’il venait de vivre, l’affrontement avec ce qu’il y avait de pire dans son prédécesseur, la discussion qu’il avait eu avec le Clown et l’étrange sensation d’avoir oublié un rêve, une conversation importante qui aurait pu changer son destin, il mit un temps à continuer.

« Tu n’es peut-être pas un ennemi.
-          Facile à dire après m’avoir jeté d’un immeuble et manqué de me tuer.
-          Je recommencerais, si j’apprenais que c’était nécessaire.
-          C’est noté… »

Si Ryumaru ne tremblait pas d’effroi devant ce…héros ténébreux, une relation de confiance serait en train de naitre. Malheureusement, depuis son plus jeune âge, il avait peur des films d’horreurs et des gens qui semblait en sortir. Mais il savait aussi aller au-delà de ses à priori, il lâcha un instant, d’une main son masque pour serrer celle de Spawn alors qu’une voix venue du ciel vint perturber leur réconciliation.

« Excusez moi ! J’vous ai entendus parler de tisser des toiles ? »

Un autre homme au costume semblable à celui que portait Nogard en ouge et bleu cette fois, arriva, se balançant, de toile en toile. Tout ça devenait vraiment étrange et autant dire que Drak Béryl s’y connaissait en choses étranges, puisqu’il était une bizarrerie parmi d’autres bizarreries. Enfin, ce n’était rien, le pire c’était de voir cet homme-araignée attaquer un Spawn encore fatigué, perturbé et sensible, avec une de la toile.

« Je vois que le symbiote n’a pas mis longtemps a trouvé un nouvel hôte ! hurla l’araignée.
-          Je sais pas qui tu es mais il serait longtemps de te mettre à la page ! T’en veux ? Tu as de grande chance de finir en ENFER ! »

Le combat s’enclencha, sans plus de paroles, chacun étant persuadé que l’autre était du mauvais côté. Tant pis pour son identité, tant pis pour son secret, tant pis pour tout ce qu’il risquerait à faire ça, Drak Béryl ne pouvait pas rester là, à regarder sans agir deux surhumains se battre à mort sans faire attention aux civils. Pas ici. Pas dans sa ville. Pas le soir de Noël. Dans un ultime acte de bravoure, il jeta son masque, baissa la tête, ferma les yeux comme si cela permettait de le rendre invisible et s’interposa. Un coup de Spawn lui brisa une côte. L’autre lui tissa au visage, le cachant par la même occasion.

« Alors, tu reconnais plus ton Spider-Man préféré ?
-          Je ne sais pas de quoi tu parles mais je te laisserais pas m’avoir. J’AI TUE L’OMEGA SPAWN ! l’arrogance de Spawn était effrayante.
-          Ah oui ? La dernière fois que je t’ai vu, symbiote, mon meilleur ami se sacrifiait pour sauver New York.
-          Attends, attends…Tu as un comportement d’araignée et tu t’appelles Spider-Man ? Le mec qui porte une armure en fer, c’est quoi ? Iron Man ? »

Drak Béryl n’avait pas terminé. Il luttait contre la douleur, encore une fois grâce à l’humour et son égo. Il devait empêcher ces hommes de s’entretuer, il sentait qu’ils étaient tous les deux des héros, que tous les deux avaient été piégé, et vraisemblablement qu’un ennemi de « Spider-Man » était similaire à Spawn. Arrivant derrière le Tisseur, il se servit de son sabre pour le paralyser quelques minutes.

« Arrêtez ! Quelque chose nous manipule. Tous. Enfin surtout vous, parce que moi à part le fait d’être seul, j’ai aucun problème. »

Un portail s’ouvrit entre les trois héros, captant l’attention de tous les badauds et leur faisant regretter d’être restés spectateurs devant cet affrontement final. Un homme corpulent, au bonnet rouge à pompon blanc et au manteau de la même couleur en sortit. Malgré son aspect ridicule, tous le regardaient avec respect et une certaine crainte, de par l’aura qu’il dégageait. Seuls les enfants avaient les yeux remplis d’admiration. Il engagea une conversation avec le franco-japonais.

« Tu n’es pas seul, Drak Béryl, et tu es perspicace. Enfin c’est peut-être que tu ne viens pas de subir un traumatisme en sauvant ta ville.
-          Le père Noël ? Non mais ça devient vraiment n’importe quoi. lâcha
-          Non, j’ai une autre forme sous laquelle je ne peux apparaitre, j’en prends donc une de circonstance. Ceci était un test.
-          Mais encore ? »

Le Père Noël ne répondit pas immédiatement à Drak Béryl, préférant en premier lieu se tourner vers ses deux collègues.

« Spider-Man. Tu es le Héros du Passé.
-          C’est vrai que parfois, j’ai l’impression de m’être fait piqué il y a cinquante ans mais…
-          Spawn. Tu es le Héros du Présent.
-          La dernière fois que j’ai vu l’ancien porteur du costume, je croyais qu’il avait commencé il y a vingt ans, dans la mesure où je l’ai remplacé… »

Il marqua une pause avant de s’adresser de nouveau à Ryumaru, hyperactif, attendant avec impatience un mot d’une légende de son enfance, lui rappelant des souvenirs enfouis, lui rappelant une jeunesse heureuse mais beaucoup trop courte.

« Drak Béryl. Tu es censé être le Héros du Futur.
-          Je fais croire que j’en suis un depuis cinq ans, ça me fait rire. Je le suis ?
-          Tout comme toi, ton univers est fragile, c’est d’ailleurs pour ça que j’ai pu réaliser ce test. Des choses terribles vont arriver. Au sens propre comme littéral. Il fallait que les deux autres vérifient que tu étais prêt.
-          Je pense qu’il l’est. fit Spawn qui avait été sauvé par celui qui était testé, tout en lançant un regard noir à Spider-Man qui se contenta d’hocher la tête, conscient de toutes les erreurs qu’il venait de commettre. »

Les trois héros s’observèrent mutuellement. Tous avaient confiance les uns envers les autres. Secrètement, ils espéraient se revoir à nouveau, même si pour avoir rencontré beaucoup de héros venus de dimensions parallèles à la sienne, Spidey doutait que ce soit possible.

« Bien. Je vais vous renvoyer dans vos dimensions respectives.
-          Attends, père Noël, enfin machin, si quelque chose de terrible va arriver, pourquoi est-ce qu’ils ne resteraient pas avec moi ? demanda Ryumaru.
-          Parce qu’eux aussi, leurs dimensions va avoir des problèmes.
-          Quoi ? Les X-men et les Vengeurs vont battre entre eux ? »

C’est sur cette phrase de Spider-Man qu’en un clin d’œil, dans un flash tout était redevenu normal : Drak Béryl était assis, seul, sur un toit. Il était sans doute le seul Europazien à se souvenir de ce qui s’était passé, mais il avait rencontré deux légendes, s’était élevé à leur niveau pour un soir et avait vu le père Noël. Il souriait.

« Joyeux Nowel. »

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