Bonjour à toutes et à tous,
En ce 31 octobre 2018, le concours Forgotten Monsters organisé par notre équipe en parallèle de la sortie de Forgotten Generation 4 touche à sa fin. Tandis que les résultats seront communiqués sous peu, on rassemble les œuvres en plein dans le thème, réalisées par des membres d'Arcadia Graphic Studio.
La première est une illustration d'un Phalène zombie, dessiné par Yannick Potier !
Suivi de Zira dessinée par Florian R. Guillon :
Puis un Bogy cyborg, toujours de Florian :
Rappelons aussi que tout avait commencé avec un Drak Béryl signé par Mahmad :
Et pour conclure, on vous propose également une nouvelle écrite par Florian R. Guillon :)
Avant-propos : cette nouvelle est un récit alternatif de Dark Fates à l'occasion d'Halloween. Il n'entre pas dans la continuité des épisodes déjà parus. Les illustrations sont issues des sessions d'Inktober pour la plupart, seule la dernière a été réalisée spécialement pour cette histoire.
31 octobre
31
octobre. Les citrouilles, fantômes et sorcières avaient commencé à
envahir timidement les rues de Kaltsee, principalement à
l’initiative des commerçants qui avaient vu en cette fête
étrangère un moyen de s’assurer une petite manne financière,
entre la rentrée des classes et avant la fête de Noël. Mais cette
tradition commerciale était marquée, cette année, par l’irruption
de véritables visions de cauchemar, quelques mois plus tôt. Pendant
la nuit de Walpurgis, les morts s’étaient en effet relevés de
leurs tombes, laissant dans leur sillage plusieurs victimes avant de
disparaître d’un coup. Les cœurs étaient donc moins à la fête
pour se costumer en revenants. Seuls, les plus téméraires auront
choisi de vaincre leurs peurs pour s’amuser en incarnant des
créatures rejetées par l’enfer, mais la plupart auront préféré
opter pour des déguisements plus neutres ou plus drôles.
Cependant,
Claire Djarvick goûtait peu cette tradition nouvelle. À vrai dire,
elle se tenait à l’écart des rassemblements depuis plusieurs
mois, depuis la mort de Xavier Enrikchen, son petit ami, et tout ce
que Halloween lui rappelait, c’était le dernier jour d’octobre,
la veille de la Toussaint, le jour où l’on fleurit les tombes des
êtres chers. Elle se préparait psychologiquement à aller au
cimetière, pour se recueillir pour la première fois face à la
stèle de son amour disparu, accepter l’inacceptable. En cette fin
de journée, elle n’était donc pas d’humeur à aller faire la
fête, alors elle avait décidé d’évacuer ses noires pensées à
la salle de sport.
Dans le
vestiaire bien moins peuplé qu’à l’accoutumée, Claire se
rappela les événements des mois passés : comment Joe Gillian
était venu chez elle annoncer la nouvelle funeste, comment elle
l’avait accueillie, et comment sa vie aurait pu devenir un enfer.
Fort heureusement, ses parents l’avaient soutenue du mieux qu’ils
le pouvaient, l’aidant à se débarrasser de sa mauvaise hygiène
de vie et à pratiquer une activité qui lui faisait du bien. Claire
avait donc choisi de s’inscrire à la salle de sport, remplaçant
les cigarettes et l’alcool par l’effort soutenu d’une activité
sportive. En enfilant sa brassière et son short, elle se disait
qu’elle était une toute autre personne, du moins tant que l’effort
physique continuait ; c’est pourquoi elle tenait à rester le
plus longtemps possible à profiter des installations à sa
disposition, afin d’éloigner le moment où elle devrait ressortir
et affronter son mal-être.
En
sortant du vestiaire, Claire se remémora le chemin qu’elle avait
parcouru jusqu’à la salle, et son intrigante rencontre avec Ewen
Merrick quelques minutes plus tôt. Elle n’avait pas vu le jeune
sorcier depuis des mois, et leur dernière rencontre avait été
mouvementée. Claire l’observa de loin : il paraissait confus
et désespéré. Quand il fut enfin à sa hauteur, il l’interpella
maladroitement. « Zira n’est pas rentrée depuis deux
jours », lâcha-t-il au bout de quelques secondes. Le nom de
Zira Ondalli faisait ressurgir des souvenirs dans la tête de Claire,
des souvenirs peu flatteurs. Elle se souvenait d’une jeune femme
agressive envers Xavier, et à la personnalité moins positive que ce
qu’elle laissait entendre d’elle à la radio. Elles ne s’étaient
d’ailleurs plus parlé depuis la mort de Xavier, Claire ayant
décidé de couper les ponts délibérément, et Zira n’ayant pas
essayé de renouer le contact de son côté. Pourtant, à voir Ewen
aussi désemparé, elle eut de la peine pour lui, et commença à
s’inquiéter pour Zira.
Dans la
salle, l’affluence était maigre. Peut-être que les habitués
avaient décidé de célébrer Halloween en famille plutôt que de
s’entraîner ?
Deux
heures passèrent. Dehors, la nuit était tombée, et plusieurs
personnes avaient déjà quitté la salle. Claire fit une pause pour
boire un peu d’eau. À ce moment, elle s’aperçut qu’un homme
complètement hagard était entré. Il se tenait sur le pas de la
porte quand un des entraîneurs finit par s’approcher de lui, lui
demandant ce qu’il voulait. Il y eut une seconde pendant laquelle
l’homme hagard se figea complètement, puis sauta à la gorge de
l’entraîneur. Deux autres hommes entrèrent pendant que le premier
buvait goulûment le sang de sa victime, mais eux avaient l’air
plus alertes et avaient leurs yeux injectés de sang dirigés vers
les quelques personnes qui s’entraînaient dans la salle, et ils
commençaient à se précipiter vers leurs proies.
Nul ne
semblait en croire ses yeux, mais le mot fut lâché : vampire.
Il était impossible qu’il s’agît d’une mise en scène
d’Halloween, et si la nuit de Walpurgis avait bien démontré une
chose, c’était que l’incroyable et l’impossible faisaient
désormais partie du quotidien. Quand une femme – un vampire -
entra à son tour dans la salle de sport, la panique gagna tout le
monde. Claire, elle, était miraculeusement hors du champ de vision
des vampires, et en profita pour gagner la sortie de secours. À
peine à l’air libre, elle se mit à courir droit devant elle,
remarquant à peine les corps sans vie qui gisaient le long de la
rue.
Filant
aussi vite qu’elle le pouvait, elle se rendit compte qu’elle
passait dans une rue qui lui était familière, au bout de laquelle
se trouvait le magasin « El Marino », tenu par Juan
Cazaro, qui avait hébergé Xavier pendant des mois. La pensée de
revoir l’antipathique vendeur rassura pourtant Claire, qui se
précipita dans la boutique. Les lumières étaient éteintes, et une
odeur pestilentielle flottait. Dans l’obscurité, Claire devina
deux corps étendus sur le sol, qu’elle enjamba pour accéder aux
interrupteurs derrière le comptoir. Le magasin fut éclairé en
quelques secondes. Les corps sur le sol étaient ceux de deux femmes.
Claire observa autour d’elle afin de voir si Juan était encore
dans les parages, mais elle comprit vite que la masse sombre qu’elle
avait vue dans le noir n’était autre que le corps exsangue de
l’Espagnol, qui s’était battu jusqu’à la fin. Claire porta la
main à son cœur, une façon de rendre un dernier hommage à cet
homme qu’elle n’avait jamais aimé, et réciproquement, avant de
fouiller derrière le comptoir à la recherche de tout ce qui
pourrait lui être utile. Elle s’empara d’un sac et y glissa le
long couteau de Juan, ainsi que des fusées éclairantes et un pieu
qu’elle eut du mal à extirper du cœur d’un des cadavres de
vampires.
Claire
pensa alors à ses parents, et se dit qu’elle devrait essayer de
les rejoindre. Mais la maison était trop loin, et elle avait une
dernière halte à faire qui pouvait remettre les choses dans
l’ordre. L’appartement que partageaient Zira Ondalli et Ewen
Merrick n’était pas si loin, et c’était peut-être la seule
chance pour la ville de Kaltsee de ne pas céder à l’emprise des
vampires.
À
nouveau une course rapide, et Claire fut devant la porte. Elle prit
quelques secondes pour reprendre son souffle, puis entra sans sonner.
Seule, une petite lampe éclairait la pièce de vie… et la
silhouette d’une femme.
« Claire ?
C’est toi ? » demanda-t-elle.
Cette
voix ne lui était pas inconnue ; au contraire, elle était
reconnue de toute la ville pour son émission qui apportait des
conseils et un peu de baume au cœur de nombreux jeunes et moins
jeunes. Claire se risqua donc à répondre :
« Oui.
Zira, c’est toi ? Ewen m’a dit que tu avais disparu.
La
silhouette se déplaça dans la lumière, et Claire comprit
immédiatement pourquoi elle ne l’avait pas reconnue : Zira
portait un corset et une longue jupe dévoilant sa jambe gauche
gainée d’un bas en résille. Sa coiffure elle-même était
différente, plus sophistiquée. Claire avait toujours considéré
l’habillement de Zira sans aucun goût, aussi la voir ainsi parée
la rendait méconnaissable à ses yeux.
- C’est
moi, lui dit-elle sobrement. Je suis revenue.
-
Quelle incroyable transformation, souffla Claire.
-
N’est-ce pas ? (Zira fit une pause) Oh, tu parles de mes
habits ? J’en ai toujours rêvé. »
Elle
fit un tour sur elle-même, faisant virevolter sa jupe.
«
Une deuxième vie, ça change tout », reprit-elle.
À ce
moment, Claire contempla ses yeux : ils étaient injectés de
sang. Comme si Zira avait anticipé la question, elle répondit :
«
Oui, j’en suis une. Tu ne te doutes pas à quel point c’est
libérateur. »
Claire
plongea la main dans le sac pour s’emparer du pieu, tandis que Zira
continuait :
« Je
me suis déjà nourrie ce soir. Je suis repue. Tu peux donc partir
tranquille… ou nous rejoindre ! »
À ces
mots, Zira fondit sur Claire, qui sortit hâtivement le pieu du sac
et frappa la vampire à la tempe. Profitant du fait que son
adversaire devenait chancelante, Claire prit la fuite, oubliant le
sac dans sa hâte. Elle se mit à courir vers les bois sans regarder
en arrière. Elle était désorientée, et plus rien ne comptait à
présent qu’échapper à la créature qu’était devenue Zira
Ondalli. Hors d’haleine, elle finit par s’effondrer derrière un
arbre. Il lui fallut plusieurs minutes pour reprendre son souffle et
ses esprits. Qu’est-ce qui avait fait de Zira un vampire ?
Avait-elle tué Ewen Merrick ? Et si… ? L’espace d’un
instant, elle eut une révélation : et si Xavier était aussi
devenu un vampire ? Il serait sans doute venu chercher Claire,
ou…
À
mesure que ses tympans ne faisaient plus résonner son pouls, elle
commençait à mieux appréhender son environnement : à une
dizaine de mètres devant elle, elle pouvait entendre le léger
bruissement de l’eau de la rivière, rivière qu’elle voyait de
manière assez distincte. Les bois, étrangement, étaient
silencieux, comme avant une tempête. Pendant quelques secondes,
Claire retrouva son calme, comme si son coup de frayeur n’avait pas
eu de cause sérieuse ; mais ce calme fut vite rompu par des pas
dans les feuilles desséchées, à quelques mètres derrière elle.
« Inutile de te cacher », retentit la voix de Zira. « Je sens parfaitement ton odeur. »
Claire
sentit son pouls s’accélérer. Serrant le pieu dans son poing,
elle se redressa contre l’arbre. Elle prit une longue inspiration,
puis sortit de sa cachette.
Zira
semblait encore toute fraîche, comme si elle n’avait fait aucun
effort pour rejoindre sa victime. Sa poitrine, mise en valeur par son
corset, ne se soulevait absolument pas. Claire, elle, luttait pour
tenir debout malgré ses jambes flageolantes. Finalement, elle
brandit son pieu en avant, résignée, en lâchant « Je te
préférais quand tu étais dans la radio, Zira ! » pour
se donner du courage.
Le
combat qui s’ensuivit était déloyal. Claire, transie de peur,
devait se battre contre une Zira en parfaite possession de ses
moyens, et dont la nouvelle nature vampirique l’avait dotée de
nouvelles capacités qui l’élevaient au-dessus de la condition
humaine. Pendant plusieurs minutes, Claire reçut plusieurs coups
assénés avec le plus grand des calmes, mais elle trouva toutefois
la force de se relever à chaque fois. Elle réussit à porter
elle-même plusieurs coups de pieu à son adversaire, mais jamais au
bon endroit ni avec assez de force. Mais au bout de trop nombreux
coups portés à sa tête, Claire finit par ne plus être capable de
se relever.
Zira se
pencha sur sa proie, la bouche grande ouverte sur des crocs qui
n’attendaient que de plonger dans une jugulaire. Cette fois, aucun
discours ne venait se poser en prélude, il ne restait que l’envie
primaire de tuer. Claire sentit sa tête tourner alors que les dents
acérées commençaient à toucher sa chair. Elle était perdue, elle
se sentait déjà partir quand elle entendit une voix criant des mots
qu’elle ne reconnaissait pas, mais qui étaient en réalité issus
d’une langue très ancienne. Un bruit sourd accompagna une
explosion liquide et visqueuse qui lui macula le visage et la
poitrine.
Les
crocs n’avaient pas pénétré sa chair, et Claire, abasourdie, vit
s’effondrer le corps désormais sans tête et sanguinolent de Zira.
Elle remarqua aussi une silhouette s’avancer vers elle et lui
tendre la main. Le sceptre qui était dans l’autre eut un effet
rassurant sur Claire.
« Ewen ! »
Celui-ci,
dos au clair de lune, mit quelques secondes avant de répondre :
« Oui,
c’est bien moi. C’est terminé pour elle, à présent. »
Claire
prit la main de son sauveur et se redressa, les fluides de Zira
coulant de sa brassière jusqu’à son nombril. Elle s’essuya tant
bien que mal, mais elle savait qu’elle avait devoir prendre de
longs bains pour se débarrasser du sang et de la sensation
désagréable de la cervelle sur sa peau.
Ensemble,
ils marchèrent main dans la main jusqu’à rejoindre la route. La
lune éblouissait Claire, qui se tourna alors vers Ewen. Levant la
tête, elle le trouva étrangement calme. Voyant qu’elle
s’arrêtait, Ewen regarda Claire dont le visage passa alors au
blanc.
« Ewen ! Tes yeux ! »
« Ewen ! Tes yeux ! »
En
guise de réponse, il resserra sa poigne et se pencha vers elle.
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