mercredi 26 décembre 2018

Prose : Mémoires d'Atlas, chapitre 2




Chapitre IIDeimos
« Tu penses que la ponctualité peut causer une guerre ?

- La sagesse de notre Roi nous en préservera, Arkantos.
- Ce n’est pas tant la sagesse de ton père que sa patience, qui m’inquiète. »

Arkantos me sourit, comme à son habitude. Plus qu’un véritable héros dont le nom résonnait au-delà même des frontières du Royaume, il était, pour moi, un véritable mentor. Alors, servir à ses côtés au sein du Palais de Saphir, était un honneur ; le plus grand auquel j’avais le droit d’aspirer. Même si notre travail consistait, la plupart du temps à attendre.

C’est d’ailleurs exactement ce qu’était en train de faire Poséidon : juché sur son trône, la mâchoire posée sur le poing, il désespérait de voir arriver son interlocuteur. Celui dont il comptait obtenir des explications, à propos du crime le plus barbare que l’on puisse commettre. Mais celui-ci était en retard de plus d’une heure et un tiers. Et mon père s’impatientait.

Alors, quand enfin une lumière pourpre vint faire rougir l’enceinte bleu-azur, les yeux de mon père s’illuminèrent, jusqu’à ce qu’une forme – un corps divin – ne s’en dégage. La Crainte m’envahit à la vue de l’armure flamboyante qui avançait désormais sur le pont de glace, en direction du trône. Arkantos, lui, tremblait de Terreur devant sa peau orangée.

« Salut, mon grand-oncle préféré. avait lâché sarcastiquement la nouvelle arrivante.

- Deimos, comment oses-tu… ?!? s’offusqua mon géniteur.
- Désolée. Mon père devait régler des affaires plus urgentes.
- La moindre des choses aurait été d’envoyer ton frère.
- Vos lois archaïques m’interdisent de négocier avec vous ?
- Les traditions empêchent le chaos de nous submerger.
- Elles n’ont pourtant pas protégé Halirrhotios. »

C’était la provocation de trop. Poséidon s’était levé. Des trombes d’eau avaient jailli et des stalactites encerclaient Deimos Moi, je n’attendais qu’un ordre de mon Roi.

Le ricanement de Deimos résonna dans tout le Palais. Elle saisit une des armes de glace pour l’approcher lentement de son cœur, en lançant à mon père un regard de défi.

« Qu’attends-tu, Roi des Océans ? Tue-moi et attire-toi les foudres de la Triade !
- La Triade a choisi de ne pas intervenir, jeune insolente.
- Elle reste neutre car elle sait que mon père n’a fait que me protéger des intentions répugnantes de ton héritier. Je suis ici pour maintenir la paix. »

Dans un long soupir, Poséidon relâcha la pression : ses armes s’étaient baissées et il tentait de se calmer. En une fraction de seconde, il avait alors retrouvé toute sa majesté.

- Deimos, tu parles ici au nom de ton père, le Seigneur de la Guerre. En échange de la vie d’Halirrothios, je réclame deux tiers de son domaine. 
- C’est une bien mince compensation, mais tu l’obtiendras. »

Le sourire de Deimos ne s’était pas effacé. Elle tourna les talons, sans attendre une réponse de Poséidon. Ce dernier me fit signe de la raccompagner jusqu’à la sortie du Palais. M’exécutant, je restais prêt à intervenir, mais rien ne pouvait empêcher mon corps de trembler. Sa conscience parfaite de la politique du cosmos, aussi bien que son sens de la stratégie, démontraient qu’elle était la fille de celui que les Hommes de Gaïa appelleraient tantôt Arès ou Mars.

« Voilà à quoi tu en es réduit, Prince Sans Héritage ? »

Elle avait posé sa question sans la moindre once de dédain. J’aurai même pu croire à un semblant d’affection. Cela n’aurait rien eu d’étonnant : après tout, elle était aussi l’enfant de la Maîtresse de l’Amour. Il n’empêche que je préférai me méfier, ayant bien remarqué qu’elle avait davantage hérité des caractéristiques de son père que de ceux de sa mère. Le silence me préserverait de ses manipulations.

« Ton père t’autorise-t-il au moins à parler ? insista-t-elle
- Je… Il n’y a aucune honte à…
- Au sein des Légions du Seigneur de la Guerre, tu serais un véritable héros. Réfléchis-y. 

Deimos me fixa pendant de longues secondes, avant de tendre sa main. Sa proposition était alléchante. Intégrer l’armée de Mars me permettrait de voyager à travers le cosmos. Mais surtout, je serais libre de quitter un Royaume qui n’avait jamais voulu de moi, où même mon plus proche parent me considérait comme un être inférieur. Aussi, je n’avais aucune raison d’hésiter avant de répondre :

- Je préfère vivre au service de mon père que mourir pour la gloire du tien
- Très bien. Tu pourras donc transmettre à ton précieux Roi des Océans…

La fille de Mars s’éloigna d’un bond, avant de claquer des doigts. Une lumière pourpre m’aveugla aussitôt. J’eus alors beaucoup de peine à distinguer les formes orangées qui s’en étaient extirpées. Mais leurs armures et leurs muscles n’auraient trompé personne : pas besoin d’être une Moire pour deviner qu’il s’agissait de soldats.

- …les deux tiers du Domaine du Seigneur de la Guerre ! »


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