Chapitre
III – Les Montagnes
L’obscurité.
Les ténèbres. La peur d’avoir atteint la Demeure des Morts et
d’être accueilli par le sinistre Prince qui la régit ; mon
oncle. Un bruit. De l’eau qui coule. Une lumière bleutée. Mes
yeux s’ouvraient lentement. La douleur qui parcourait mon corps
réfuta mon hypothèse, alors que je me relevais péniblement pour
découvrir un paysage magnifique.
La
lueur d’Ouranos ne m’avait jamais semblé aussi forte. Sans
doute, parce que l’altitude à laquelle je me trouvais était des
plus hautes. La roche me tenait compagnie de toute part. A première
vue, je me trouvais dans les montagnes dont parlaient les légendes
du Royaume de Poséidon : celles où aucun sujet n’avait le
droit de s’aventurer.
Alors
pourquoi cet endroit me semblait-il si familier ? J’avais la
sensation terrible d’avoir déjà foulé ce sol et de reconnaître
certaines marques d’érosion ; même si elles semblaient plus
nombreuses que dans mes souvenirs. Comme pour me rassurer, j’avais
choisi de fuir les tours que me jouait mon esprit et de suivre le
bruit de l’eau.
Mais
les principales images qui m’assaillaient étaient plus récentes :
celles du sang de mes frères d’armes qui venait tacher le Palais
de Saphir. Les soldats envoyés par Deimos avaient méthodiquement
exécuté chaque membre de la garde royale. Aucun d’entre eux ne
s’était montré cruel. Leurs gestes symbolisaient simplement une
organisation militaire.
Deimos
m’avait, à ma grande surprise, laissé en vie. Elle ne pouvait pas
avoir fait preuve de clémence. C’était une épreuve de courage :
elle voulait savoir si j’aurais l’intelligence de rejoindre ses
légions ou si je ferais preuve d’assez de témérité pour m’y
opposer. Elle n’allait pas être déçue : en hurlant, j’étais
retourné dans la salle du trône pour égorger un de nos ennemis.
« Pars
le plus loin possible ! »
Arkantos
n’avait pas pour habitude de donner ce genre d’ordre. D’abord,
parce qu’il pensait qu’aucun officier ne devait abandonner son
poste, mais aussi car il était intimement persuadé que le Palais de
Saphir était l’endroit le plus sûr du Royaume. Je ne sais,
d’ailleurs, pas ce qu’il aurait pensé, s’il m’avait vu en
train d’errer dans ce bois, perdu au milieu des montagnes.
Evidemment,
sur le moment, j’avais choisi de désobéir à mon mentor. Même
s’il semblait perdu, je ne pouvais pas laisser la peur venir à
bout de moi. Je devais me battre, quitte à sacrifier ma vie. Pour
lui. Pour le Royaume. Pour Poséidon. Et je me défendais bien,
rendant les coups à mes adversaires, tentant de les piéger. Mais la
venue de Deimos sur le champ de bataille changea la donne.
La
fille du Seigneur de la Guerre était puissante : ses ongles
écarlates généraient des faisceaux d’énergie, capables de
réduire en cendres tout ce qui se trouvait sur leur chemin ;
même ses propres troupes. Le chaos que Deimos répandait frôlait la
poésie. En quelques instants à peine, elle avait fait régner la
Mort dans le Palais de Saphir.
Je
croyais alors pousser mon ultime soupir quand j’entendis le
souffle d’un ouragan. Celui-ci ne percuta pas pour me blesser, mais
bel et bien pour me sauver ; il avait été formé par mon père.
C’était mon dernier souvenir de la bataille. J’ignorais si
Arkantos, ou même Poséidon, avaient survécu au combat. Je m’étais
contenté de me réveiller loin d’eux.
C’était
l’ouragan qui m’avait propulsé sur ces terres. Mon père, en
voulant me protéger, m’avait piégé dans ces fichues montagnes.
Et par sa faute, au lieu de l’aider à se battre, je perdais du
temps à chercher un misérable point d’eau… Mince. J’aurais
aimé comprendre plus tôt la raison de ma présence en ces lieux. Et
surtout, pourquoi j’avais l’impression que ce n’était pas ma
première visite.
Lorsqu’enfin
j’achevais mon périple pour arriver devant le ruisseau où
s’abreuvait une femme aux cheveux turquoise et aux yeux vairons,
tout me revint. Elle-même s’immobilisa pendant quelques secondes.
Aucun de nous deux n’avait besoin de parler : nous nous étions
mutuellement reconnus. Et malgré toutes ces années que nous aurions
aimé rattraper, je dus mettre rapidement un terme à notre étreinte.
« Mère,
le Roi des Océans a besoin de votre aide. »
Hinetertainment
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