mercredi 2 janvier 2019

Prose : Mémoires d'Atlas, chapitre 3




Chapitre IIILes Montagnes

L’obscurité. Les ténèbres. La peur d’avoir atteint la Demeure des Morts et d’être accueilli par le sinistre Prince qui la régit ; mon oncle. Un bruit. De l’eau qui coule. Une lumière bleutée. Mes yeux s’ouvraient lentement. La douleur qui parcourait mon corps réfuta mon hypothèse, alors que je me relevais péniblement pour découvrir un paysage magnifique.

La lueur d’Ouranos ne m’avait jamais semblé aussi forte. Sans doute, parce que l’altitude à laquelle je me trouvais était des plus hautes. La roche me tenait compagnie de toute part. A première vue, je me trouvais dans les montagnes dont parlaient les légendes du Royaume de Poséidon : celles où aucun sujet n’avait le droit de s’aventurer.

Alors pourquoi cet endroit me semblait-il si familier ? J’avais la sensation terrible d’avoir déjà foulé ce sol et de reconnaître certaines marques d’érosion ; même si elles semblaient plus nombreuses que dans mes souvenirs. Comme pour me rassurer, j’avais choisi de fuir les tours que me jouait mon esprit et de suivre le bruit de l’eau.

Mais les principales images qui m’assaillaient étaient plus récentes : celles du sang de mes frères d’armes qui venait tacher le Palais de Saphir. Les soldats envoyés par Deimos avaient méthodiquement exécuté chaque membre de la garde royale. Aucun d’entre eux ne s’était montré cruel. Leurs gestes symbolisaient simplement une organisation militaire.

Deimos m’avait, à ma grande surprise, laissé en vie. Elle ne pouvait pas avoir fait preuve de clémence. C’était une épreuve de courage : elle voulait savoir si j’aurais l’intelligence de rejoindre ses légions ou si je ferais preuve d’assez de témérité pour m’y opposer. Elle n’allait pas être déçue : en hurlant, j’étais retourné dans la salle du trône pour égorger un de nos ennemis.

« Pars le plus loin possible ! »

Arkantos n’avait pas pour habitude de donner ce genre d’ordre. D’abord, parce qu’il pensait qu’aucun officier ne devait abandonner son poste, mais aussi car il était intimement persuadé que le Palais de Saphir était l’endroit le plus sûr du Royaume. Je ne sais, d’ailleurs, pas ce qu’il aurait pensé, s’il m’avait vu en train d’errer dans ce bois, perdu au milieu des montagnes.

Evidemment, sur le moment, j’avais choisi de désobéir à mon mentor. Même s’il semblait perdu, je ne pouvais pas laisser la peur venir à bout de moi. Je devais me battre, quitte à sacrifier ma vie. Pour lui. Pour le Royaume. Pour Poséidon. Et je me défendais bien, rendant les coups à mes adversaires, tentant de les piéger. Mais la venue de Deimos sur le champ de bataille changea la donne.

La fille du Seigneur de la Guerre était puissante : ses ongles écarlates généraient des faisceaux d’énergie, capables de réduire en cendres tout ce qui se trouvait sur leur chemin ; même ses propres troupes. Le chaos que Deimos répandait frôlait la poésie. En quelques instants à peine, elle avait fait régner la Mort dans le Palais de Saphir.

Je croyais alors pousser mon ultime soupir quand j’entendis le souffle d’un ouragan. Celui-ci ne percuta pas pour me blesser, mais bel et bien pour me sauver ; il avait été formé par mon père. C’était mon dernier souvenir de la bataille. J’ignorais si Arkantos, ou même Poséidon, avaient survécu au combat. Je m’étais contenté de me réveiller loin d’eux.

C’était l’ouragan qui m’avait propulsé sur ces terres. Mon père, en voulant me protéger, m’avait piégé dans ces fichues montagnes. Et par sa faute, au lieu de l’aider à se battre, je perdais du temps à chercher un misérable point d’eau… Mince. J’aurais aimé comprendre plus tôt la raison de ma présence en ces lieux. Et surtout, pourquoi j’avais l’impression que ce n’était pas ma première visite.


Lorsqu’enfin j’achevais mon périple pour arriver devant le ruisseau où s’abreuvait une femme aux cheveux turquoise et aux yeux vairons, tout me revint. Elle-même s’immobilisa pendant quelques secondes. Aucun de nous deux n’avait besoin de parler : nous nous étions mutuellement reconnus. Et malgré toutes ces années que nous aurions aimé rattraper, je dus mettre rapidement un terme à notre étreinte.

« Mère, le Roi des Océans a besoin de votre aide. »

Hinetertainment 2018 jeffrey@hinetertainment.com

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